Elle réunit des oeuvres qui évoquent la carrière de l’artiste sur une longue période, de la Première Guerre à
l’après Seconde Guerre mondiale.
C’est, en effet, sur plus de quarante ans d’un siècle marqué par de
véritables tragédies humaines que se développe une oeuvre qui reflète les événements de la vie privée de
l’artiste comme ceux de l’histoire du monde qu’il vit ou qu’il subit.
Entre témoignage et dépassement des profonds changements de cette période, les oeuvres de Chagall
évoquent sa vie d’homme, mais rendent également compte de l’évolution de son regard sur sa ville, sur le
judaïsme, sur les guerres qui marquent durement sa génération.
Plus de soixante dessins, gouaches et collages sont présentés, provenant du musée national d’art moderne,
Centre Georges Pompidou et d’une collection particulière.
L’accent a été volontairement porté sur la part plus intime de l’oeuvre, le dessin. Plus intime parce qu’il s’agit
souvent d’annotations, rapides et libres, de formes, de figures ou de paysages, ou parce que ce sont des
esquisses pour des oeuvres en gestation. Ce caractère privé donne accès à une autre face du travail de
l’artiste, souvent plus vif, plus léger, que les oeuvres achevées.
Ces dessins sont aussi le témoignage d’une évolution de l’art de Chagall. A son retour à Vitebsk, en 1914,
après le fructueux premier séjour à Paris, il affiche son bonheur de rentrer chez lui, avec des observations de
sa ville natale et de sa famille .
Elles deviennent ensuite, avec l’exil, en 1922-23, le support de réminiscences
qui perdurent dans son travail jusqu’à la fin de sa vie. Les paysages de Vitebsk, les personnages typiques qui
la peuple - avec la série des têtes de vieillards - les parents, le couple qu’il forme avec Bella, devenue son
épouse en 1915, évoluent en archétypes répétés d’un paradis perdu qui devient, après la seconde guerre
mondiale, un lieu de mémoire allégorique de toutes les pertes.
Au cours des années trente se multiplient également les projets de toiles importantes et plusieurs esquisses
donnent un aperçu du travail préparatoire de Chagall, généralement appuyé sur des dessins au crayon ou à
l’encre de Chine, suivis d’essais en couleur.
Plusieurs des toiles issues de ce travail furent ensuite
transformées pendant l’exil américain de l’artiste, pendant la Seconde Guerre mondiale ( Esquisse pour Le
Cheval rouge, Esquisse et Etude pour Les Arlequins, collection particulière).
Les années qui suivent le retour en France, après 1948, sont l’occasion d’un renouvellement de l’oeuvre, en
lien avec l’utilisation de techniques différentes, l’accent porté sur la monumentalité et l’apparition de nouvelles sources d’inspiration, comme la Méditerranée, à la suite de l’installation dans le Midi, à Vence, et
la découverte de la Grèce.
Renouveau aussi autour des oeuvres religieuses, où sont souvent évoqués en même temps les souffrances des
Juifs à travers leur histoire. C’est la période de la mise en route du projet du Message Biblique, évoquée par
quelques dessins de la collection du musée.
Parmi tous ces dessins, le groupe cohérent formé par ceux destinés au livre d’Abraham Walt, dit Liessin,
Lieder und Poemen, rassemble pour l’édition complète des poèmes de l’auteur, en 1938, la plupart des
thèmes abordés par l’artiste entre les deux guerres. Parmi eux, les souvenirs de jeunesse, certains émouvants
comme la figure du père ou les intérieurs de synagogue, d’autres violents comme ceux des pogroms, des vues
de Jérusalem relevées lors de son voyage en Palestine en 1930, ou des scènes issues de sa vie dans les
capitales, Saint-Pétersbourg ou Paris.
Sur le plan formel, ils sont liés par une linéarité marquée, parfois
interrompue par des plages d’un noir soutenu.
L’expérience de la gravure, après la réalisation des illustrations
pour Les Âmes mortes de Gogol, n’est pas étrangère à ce parti pris. Outre que ces dessins sont parfois des
souvenirs proches d’oeuvres déjà créées (Le mur de l’Ouest à Jérusalem rappelle Le mur des lamentations,
collection particulière – L’Echelle de Jacob, la gravure Le songe de Jacob pour la Bible, musée national
Marc Chagall) ou une première idée qui connaîtra de futurs développements (Pogrom évoque certaines
scènes de La Crucifixion blanche, Art Institute de Chicago) ils sont également représentatifs de l’effort
considérable accompli par Chagall dans l’illustration entre les deux guerres.
L’exposition Marc Chagall, d’une guerre l’autre est organisée en parallèle avec celle présentée au même
moment au musée du Luxembourg, Chagall, entre guerre et paix, du 21 février au 21 juillet 2013.
Ce
rapprochement permet au public de découvrir ou d’approfondir sa connaissance de l’oeuvre d’un artiste dont
la singularité reste exemplaire.