Pendant cette temporalité particulièrement singulière que nous avons vécu collectivement, Gregory Forstner s’est surpris à renouveler son vocabulaire
Écartant pour la première fois la figure jusqu’ici présente depuis le début de sa carrière et de ses études à la Villa Arson. L’artiste se concentre sur le motif du bouquet déjà présenté en 2019 dans ‘Flowers for the Bold’. Il produit depuis un an, un ensemble de nature morte ou plutôt ‘still lifes’ qui seraient autant de vanités possibles, de considération sur cette temporalité collective.
- © Gregory Forstner, Flowers for the Bold (15), 2020, Photo Pierre Schwartz
‘Lollipop’, au-delà de son évocation la plus immédiate, est une expérience scientifique menée par Melvin Calvin et Andy Benson visant à éclairer une culture d’algues vertes par de la lumière blanche. En faisant cela, le groupe de Calvin montre que la lumière du soleil agit sur la chlorophylle dans une plante pour alimenter la construction des composés organiques.
De même que dans l’expérience scientifique, il y a dans ce travail de peinture et de dessin comme la tentative de recourir à des gestes élémentaires, primitifs, l’expérience d’une régénération à partir de ‘presque rien’ et dont seul la nécessité de vie, de désir et de plaisir serait le véhicule. Le recours à ce motif élémentaire permettant à Gregory Forstner d’activer cette charge émotionnelle retenue jusqu’ici dans le réel. Ici, les notions de surface, de verticalité et d’horizontalité, d’ergonomie, de gravité, de corps et de centralité – de physicalité -, se retrouvent autant dans le récit que fait l’artiste de son expérience de la nage en eau libre, que de son expérience de la peinture.
« Comme la peinture et la mer qui peuvent être mauvaises mais ne déçoivent
pas. Ses yeux sont mes chiens. Ma propriété. Je les crains comme la vague
qui se lève dans la nuit, sans bruit. L’expérience dit qu’il faut plonger sous
l’écume. Il faut toujours redouter une chose pour bien la prendre. Le ventre
de l’océan dans les dents. Lorsque je nage, je ne sais si c’est l’eau ou l’air que je respire. (…) Au sommet de la langue, une sucette se dresse. L’ascenseur est fragile. » (1) Gregory Forstner
Gregory Forstner
Vit et travaille à Montpellier
Il est représenté par la Galerie Zink, Waldkirchen (Allemagne), la galerie Eva Vautier (Nice), et la galerie Otto Zoo (Milan).
À quinze ans, il passe une année dans deux familles d’accueil à Key West en Floride, voyage qui l’a profondément marqué. À la suite de cette expérience, il interrompt ses études secondaires et part en Autriche sur les traces de ses origines paternelles. À Vienne, alors qu’il travaille comme modèle vivant pour plusieurs écoles d’art, il se fait remarquer par Christian Ludwig Attersee qui l’invite à travailler dans son atelier à l’Académie des Arts Appliqués (Hochschule für Angewandte Kunst).
L’année suivante, il fait sa rentrée à la Villa Arson, l’école supérieure d’art de Nice, où il rencontre Noël Dolla. Après l’obtention du DNSEP, il termine ses études par un court séjour à l’ENSBA, à Paris où il rencontre Joël Ker- marrec, Jean-Michel Alberola et Eric Dietman. Il travaille ensuite à Nice pendant plusieurs années.
En 2006, lors d’une commission d’acquisition pour le Musée d’Art Moderne de Paris sous la direction de Suzanne Pagé, Hans Ulrich Obrist retient son travail et le recommande à la galerie Zink en Allemagne. L’année suivante, le Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice (MAMAC) lui organise une exposition personnelle. En 2009, Guy Tosatto lui consacre une exposition personnelle (« The Ship of Fools ») au Musée de Grenoble, partageant les cimaises du Musée lors de la première rétrospective institutionnelle en France de l’œuvre d’Alex Katz, qu’il rencontre à cette occasion. En 2014, Gregory Forstner est invité à présenter son travail au Collège de France lors du colloque « La Fabrique de la Peinture », avec (entre autres) Hernan Bas, Jules de Balincourt, Glenn Brown, Jeff Koons et Cheri Samba.
À partir de 2013, il commence à publier ses écrits aux éditions Derrière la salle de bains et Littérature mineure. « L’odeur de la viande » (recueil de textes autobiographiques) paraît aux éditions Esperluète en 2015. En 2017, les éditions Dilecta publient une monographie parcourant plus de quinze ans de travail.
(1) Gregory Forstner, « Lollipop », Édité par les éditions Derrière la salle de bains (2014), puis par les éditions Esperluète, in L’odeur de la viande, 2015.