Commissariat : Marta Moreira de Almeida, directrice adjointe du Musée Serralves, Portugal
Dessins et collages basés sur du texte, interventions spatiales, performances et publications, font partie des moyens et des supports utilisés par Carla Filipe (1973, Vila Nova da Barquinha, Portugal) pour élaborer un portrait de notre société qui est aussi une forme d’autoportrait. Adoptant les méthodes de l’anthropologue, elle observe, collecte, interviewe et documente les souvenirs de narrations individuelles et collectives ancrées dans la culture populaire d’un passé récent. Les voyages et la marche sont des procédés auxquels elle a recours lors de ses recherches tout autant que dans la production de ses œuvres.
S’inspirant d’événements autobiographiques au travers de l’expérience personnelle de son enfance dans une communauté de cheminots au Portugal, le processus très subjectif de ‘travail de terrain’ sert de loupe pour observer des modes de vie marginalisés par l’Histoire et les systèmes sociaux et politiques qui guident cette dernière.
Dans hóspede [hôte], Carla Filipe reprend notamment son travail sur l’iconographie d’affiches politiques, syndicalistes ou coopératives, transformant leur graphisme et leur design en 28 drapeaux – un pour chaque état membre de l’Union Européenne jusqu’en 2019. Les drapeaux représentent le poids des facteurs économiques dans leur relation avec l’UE, ainsi que des références historiques propres à chaque pays, pour illustrer la manière dont ils s’assemblent au sein de cette identité commune selon ce que le philosophe français Jacques Derrida appelait une ‘double mémoire’.
hóspede est un mot dont l’étymologie peut aussi désigner une personne qui occupe un endroit ou un espace donné en contrepartie d’une forme de paiement. Au sein du débat sur l’hospitalité qui agite le monde politique comme celui des pratiques artistiques contemporaines, la proposition de Carla Filipe fait de chaque état membre une entité dont l’équilibre demeure fragile (comme l’a récemment démontré le Brexit) et dont la relation avec l’UE est équivoque au vu de l’équilibre délicat entre des buts communs et des intérêts nationaux soumis à de perpétuels changements politiques.
L’iconographie singulière des oeuvres de Carla Filipe n’offre pas de solutions. Elle révèle au contraire les tensions et les contradictions du présent.
L’oubli des valeurs de bases associées à la solidarité internationale, phénomène que l’on peut observer dans les sociétés contemporaines (y compris dans les sociétés européennes), constitue la toile de fond de cette exposition/installation, recouvrant tout l’arc allant de l’hospitalité à l’hostilité.
En parallèle de l’exposition de Carla Filipe, une programmation musicale est conjointement conçue par Pedro Rocha, le programmateur musique et performance du musée Serralves, et Arnaud Maguet, musicien et enseignant de la Villa Arson. Ce mini festival intitulé Lusosonic prévu le samedi 25 juin 2022 comme un parcours original dans les espaces intérieurs et extérieurs de la Villa Arson, présentera une partie de la scène musicale émergente portugaise dans un spectre allant de la musique expérimentale à la dance.
L’exposition hóspede et Lusosonic ont été spécialement conçus pour la Villa Arson, avec le soutien de la Fondation Gulbenkian – Délégation en France – et dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022 et de la présidence française du Conseil de l’Union Européenne.
Carla Filipe
hóspede [hôte]