Ce voyage dans la création d’Alberto Giacometti se fera sous le signe de l’émerveillement. Celui de Giacometti, face au réel « merveilleux », comme il le dit souvent, lui qui s’est attaché à représenter ce qu’il voit autour de lui, sans hiérarchie : intimes aimés, objets de son atelier, choses du quotidien, paysages de son enfance suisse ou des faubourgs parisiens.
La scénographie de l’exposition, la richesse des œuvres présentées viendront à leur tour émerveiller le spectateur placé au cœur de l’intimité de l’artiste. Le parcours de l’exposition fera la part belle à toutes les périodes, à tous les media, sculpture (plâtres, bronzes), peintures, dessins, estampes, auxquels Giacometti a eu recours. Il permettra une vue complète de sa création, des œuvres de jeunesse à la période surréaliste, du retour à la figuration à son travail d’après modèle, et à l’invention des grandes icônes de l’après-guerre.
Rassemblant près de 230 œuvres accompagnées de photographies, cette exposition jalonnée de chefs-d’œuvre proposera au visiteur de merveilleuses découvertes autour de 14 séquences originales.
Le parcours restituera notamment l’esprit de l’atelier en révélant les détours et les interrogations qui marquent le processus créatif d’Alberto Giacometti. Les thèmes privilégiés par l’artiste – la représentation de la tête, du visage, du corps féminin – ressortiront particulièrement, mais ondécouvrira aussi son rapport à la solitude, à la mélancolie, et son travail acharné avec ses modèles : sa femme Annette, son frère Diego, ses amis proches.
Le visiteur rencontrera ainsi un autre Giacometti, celui qui expérimente aux limites de la sculpture, et le formidable peintre qui pratique aussi au côté du portrait les genres du paysage ou de la nature morte ;
Quelques « highlights » de l’exposition
L’objet invisible
Le titre initial de cette œuvre était Mains tenant le vide. Elle est peut-être une image de deuil et de la perte, suggérée par l’homonymie du titre avec « maintenant, le vide ». André Breton l’a rebaptisée L’Objet invisible, évoquant ainsi l’« obscur objet du désir », cher aux surréalistes férus de psychanalyse.
Lors d’une visite au marché aux puces de Saint-Ouen avec Giacometti, Breton et lui tombent sur un masque de la Première Guerre mondiale qui va inspirer à Giacometti la tête, dont le sculpteur n’était pas satisfait. Figure étrange inspirée par un assemblage, cette sculpture est aussi une des dernières
œuvres surréalistes d’Alberto Giacometti.
« Ce n’est pas psychologique, la solitude, on n’y peut rien. Elle existe dans l’espace. Votre tête, là, maintenant, quand je la regarde qui émerge dans le vide sur ce fond de ciel, elle a une drôle d’allure, qu’est-ce que vous voulez y faire… » Alberto Giacometti, Entretien avec Jean Clay, 1963
L’homme qui marche
L’Homme qui marche, devenu l’œuvre la plus iconique de Giacometti, a connu une première version en 1947, avant d’être reprise en 1960. L’artiste est alors invité à créer une œuvre pour la place newyorkaise de la Chase Manhattan Bank. L’architecte du projet lui demande de s’inspirer de l’œuvre Trois hommes qui marchent, créé en 1948. L’artiste remplace les trois hommes par trois figures différentes : un Homme qui marche, une tête monumentale, une femme gigantesque. Le projet est abandonné en 1961, quand l’artiste choisit de renoncer. Avec cette sculpture, à échelle réelle et qui a renoncé à tout élément anecdotique, Giacometti rend hommage à l’existence humaine, en représentant l’homme dans sa dimension la plus universelle. L’œuvre ici présentée est le plâtre original.
« Au fond, j’étais agacé par les sculptures grandeur nature que cinq costauds n’arrivent pas à soulever. Agacé parce qu’un homme qui marche dans la rue ne pèse rien, beaucoup moins lourd en tout cas que le même homme mort ou évanoui. Il tient en équilibre sur ses jambes. On ne sent pas son poids. C’est cela qu’inconsciemment je voulais rendre, cette légèreté, en affinant mes silhouettes… » Alberto Giacometti, Entretien avec Jean Clay, 1963