Suite de « Objectif zéro » par Jean Mas
Mesdames Mesdemoiselles Messieurs, bonsoir. Merci d’être venus. Si, dans la sublimation, l’artiste travaille, opère, avec du Signifiant, du Symbolique, pour toucher au Réel, avec le Symptôme qui lui, est l’art du psychotique, il tombe plutôt dans la démarche inverse : nous allons du Réel, de la personne du psychotique, de son Réel à lui, vers le Symbolique. Ce sont deux notions : sublimation, et symptôme. Ce sont deux particularités, deux façons de créer.
Si une fois de plus il appartient à l’artiste de clore ce Séminaire de Psychanalyse, et si depuis plus de six ans déjà remarquez un seul suffit pour la vérité je m’esquinte ici à ce que les psychanalystes y voient un peu plus du côté de l’art, à ce que les artistes y entendent un peu plus du côté de la psychanalyse, et à ce que les politiques y voient et entendent un peu plus du côté de la Psychanalyse et de l’art, c’est certainement pour rappeler combien la Psychanalyse est redevable à l’art, et combien aujourd’hui l’artiste peut alimenter sa réflexion à la veine psychanalytique.
Veine, si c’est une veine une, car autrement on risquerait déveine. Veine donc, et par chance, de tenir ici ce soir position, et de la prendre, autour de l’enfant. Je me suis demandé ce qui m’autorisait ici de parler de l’enfant. Bien sûr cela ne suffit pas c’est le fait d’avoir été moi même enfant, et le fait d’en avoir cela ne suffit pas non plus et le fait de m’être occupé pendant une vingtaine d’années d’enfants et d’adolescents ça ne suffit pas non plus ... Mais me semble suffire le désir de vouloir croiser ma pratique artistique avec la vision freudienne de l’art et de l’enfant. Je voulais aussi être dans le nécessaire retour à Freud. C’est pour cela que je me suis autorisé de son approche artistique. Je dois dire d’abord que nous considérons l’art comme un sous ensemble de la création, et, dans l’art, trois grands pavés : art brut, art naïf, art de recherche. C’est certainement dans le troisième pavé que nous nous situons. Situer le zéro % ici dans le cadre d’une campagne électorale, c’est rechercher la voie qui nous mènerait au plus près de l’enfant, en se jouant par exemple d’une répétition 0% 0% 0% 0%, 0 pur sang, 0 pur sang, 0 pur sang, 0 pur sang...
(Jean Mas s’assied)
Pléonasme du pur sang que nous écartons dans le situer de l’être, à savoir si tu es, condition qui est posée ici, le si, qui nous permet de garder au niveau du Symbolique l’idée d’une monture, et, fort d’elle, je peux commencer, histoire de voir comment c’est. ( rires)
La monture, je choisirai comme de bien entendu, le cerf. Pourquoi le cerf ? Parce que je reprends ça chez Lacan, qui compare le psychanalyste à Actéon, personnage mythique qui rencontre la déesse Artémis nue, et évidemment elle le transforme sur le champ, et, sur le champ insiste t il, en cerf. Et immédiatement il est dévoré par les siens les chiens, et c’est Lacan qui glisse avec siens. Et il ajoute « prenez et mangez cela est évidemment mon corps ». Lacan dévoré par les siens. C’est là la dimension je dirais christique de Lacan. Qui se remarque une fois de plus. Il serait vain d’appliquer la psychanalyse à l’art, mais on peut montrer la parenté, la distinction, là où apparemment il y a rupture, vide... Etablir des liens entre le conscient et l’inconscient, le pathologique et le non pathologique, l’individu, l’espèce, l’enfant, l’adulte, enfin entre les différentes productions culturelles et la représentation, et l’affect, base de notre interrogation artistique… C’est cela la dynamique psychanalytique, ça consiste à établir des liens conceptualiser aussi. Il n’y a pas d’application d’une méthode étrangère à la sphère artistique, car la méthode est une. Il s’agit seulement de la répétition du même, du même noyau. C’est ce qui dans l’esprit de Freud a permis de poser la psychanalyse comme science d’investigation, sans la réduire à l’aspect purement clinique auquel elle paraît se cantonner. Point clé : Freud compare la fascination qu’exerce une œuvre d’art à la répétition que tout enfant aurait à partir du père.
A une période de fascination où l’œuvre d’art (médiatrice, compromis) sert de modèle, succède l’instant du meurtre, du rejet. L’interprète, psychanalyste, travaille au service d’Eros à résoudre les énigmes des productions psychiques ou autres, œuvres d’art, en tant qu’elles sont des compromis. Les œuvres d’art... c’est rétablir le contact. C’est ce que nous dit Freud, sans doute – rétablir le contact c’est sans doute le seul point où cette superchérie supercherie qu’est la communication, trouve une spéculation plausible (possible) entre une œuvre et son intelligence.
Bien que là, je rappelle, on ne peut pas se comprendre, on peut seulement s’entendre, c’est à dire faire commerce, il est évident pour nous que le langage humain constitue une communication où l’émetteur reçoit du récepteur son propre message sous une forme inversée, ça c’est classique (rires) non mais c’est ça, c’est le schéma de la communication en psychanalyse. C’est pour ça que je dis on ne peut pas se comprendre, c’est une erreur, on peut seulement s’entendre. S’entendre sur un prix, sur autre chose, faire commerce. C’est pour cela que J’art ne peut pour moi se situer sainement que dans une perspective commerciale (rires).
Voici ce que nous dit Freud : l’art libère l’artiste de ses fantasmes, la création artistique évite la névrose, et sert de substitut à une psychanalyse. Cependant on doit dire que la cure est jouée sans être comprise et entendue. L’œuvre d’art n’est pas la projection d’un phantasme, elle est au contraire un substitut qui permet de le structurer après coup et de s’en délivrer. Elle est l’inscription d’une histoire, individuelle. Je rappelle rapidement au passage que cette fameuse histoire du vautour de Léonard, que l’on prête à Freud, c’est Pfister, admirateur des tests de Rorhschach, des tests projectifs, qui a repéré ce vautour qui pointait. Bon, un démenti est apporté, alors qu’on cesse de parler du vautour de Freud dans les robes de Sainte Anne, c’est indécent, j’entends ça trop souvent (rires).
Ce que nous dit encore Freud, c’est que dire le Nom, ce n’est pas comprendre l’œuvre, trouver le nom de l’auteur, son père créateur, c’est être dans une conception théologique de l’art, l’expert, conception que Freud se propose de démasquer. La plupart des gens dans le milieu artistique c’est presque la totalité voient telle toile, disent ça c’est d’un tel. Ce n’est pas du tout comprendre l’oeuvre, c’est ce qu’on demande à un expert, ce type de reconnaissance, ce n’est pas du tout ça la compréhension. La compréhension est un mécanisme beaucoup plus fin et qui demande un effort.
De la statue de Moïse l’auteur est connu de tous, reste à comprendre pourquoi elle nous émeut, quelles ont été les intentions de l’artiste en la sculptant, nous dit Freud. Ces intentions, seule l’œuvre peut nous les dire, par l’écriture qui lui est propre, par sa structure formelle, peu importe ce qu’en dirait Michel Ange, ses véritables intentions ne sont pas conscientes.
La conception théologique, verticale, admet un sujet conscient, libre, et père de ses œuvres. Le créateur. Freud déconstruit ici la conception métaphysique du Sujet, ce n’est pas lui qui parle, c’est le texte (sans réduire le texte à la littéralité), ceux qui ne connaissent pas le travail, par exemple, du Groupe 70 ou de Support Surface, à voir absolument, parce que là nous avons une littéralité du texte, c’est très intéressant comme démarche. On a quelque chose qui parle et qui va bien au-delà, compréhension qui est ...
(Jean Mas fait des deux mains le geste d’une chose qui fuse au ras de la table, comme aussi on dit rien ) (rires)
C’est ce qui en fait son intérêt. Nous sommes dans une littéralité.
Freud laisse bien évidemment aux connaisseurs d’art la spécificité je dis ça parce qu’il n’y a personne du Groupe 70 ici (rires), c’était ambigu hein la spécificité des valeurs, les formes et techniques, enfin ce qui fait l’histoire de l’art. Et le verbiage de la science esthétique. Freud laisse tout le reste aux beaux parleurs. L’esthétique traditionnelle est prisonnière de la distinction métaphysique du fond et de la forme, comme elle l’est de la séparation des facultés. C’est important la séparation des facultés : âme, corps, soma, etc. toutes ces conneries…
Alors comment revenir un peu à cette compréhension de l’œuvre ?
J’ai ici trois livres que j’ai reçus, pour vous montrer qu’on reçoit des livres, et que, quand on les reçoit, ça fait plaisir, parfois on les lit, et puis certains s’attachent à permettre de comprendre la création. Alors Raphaël Monticelli a écrit un ouvrage remarquable, il y a un tout un passage qui permet de comprendre le bleu d’Yves Klein, ce n’est pas uniquement une approche psy, c’est avec des données historiques importantes.
(A suivre, avec le clip vidéo de « Objectif Zéro » de Jean Mas)