Radicale, minimaliste, joyeuse, l’œuvre du peintre allemand Imi Knoebel se construit depuis cinquante ans comme une réinvention sensible et expressive de l’abstraction.
Formé à Darmstadt puis à l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf, sous le regard exigeant de Joseph Beuys, Knoebel revendique clairement l’influence des avant-gardes sur son travail. Kandinsky, le Bauhaus, les constructivistes, Mondrian, les suprématistes et, au premier chef Malevitch, font partie, depuis ses débuts, de son panthéon personnel. Plus tard, aiguillonné par les œuvres des artistes abstraits et minimalistes américains comme Barnett Newman, Mark Rothko, Donald Judd ou Carl Andre, Knoebel réinvente en permanence de nouvelles formes, matérialisées par des peintures, des sculptures ou des installations. Pour Knoebel, l’abstraction est un continuum en perpétuelle mutation dans lequel les formes du passé resurgissent en rebond.
La première rencontre entre Knoebel et Fernand Léger remonte à 1979. Knoebel, invité à faire une grande installation au Musée des beaux-arts de Winthertur, produit une œuvre-clé, intitulée Genter Raum. Structurée par les notions d’ordre et de chaos, l’œuvre comprend des matériaux de construction, des panneaux peints, posés à terre sans ordre ou rigoureusement agencés au mur. De la collection de Winterthur, Knoebel ne garde qu’une seule référence à l’histoire de l’art : une Nature morte (1927) de Fernand Léger.
A l’invitation du musée national Fernand Léger de Biot, Imi Knoebel entre aujourd’hui dans un véritable dialogue avec ce pionnier français de la modernité.
Parmi les œuvres de la collection, le choix de l’artiste allemand ne s’est pas porté sur la peinture mais les céramiques réalisées à la fin de sa vie par Fernand Léger à Biot.
Œuvres de la maturité de l’artiste, ces terres cuites émaillées correspondent à une nouvelle tentative de l’artiste normand pour faire sortir l’œuvre du plan de la peinture. Ses reliefs et ronde-bosses émaillés jouent avec les volumes, contrastes, et couleurs. Autant de notions qu’interroge Imi Knoebel et qui l’ont inspiré pour créer, pendant l’été 2016, neuf tableaux qui sont présentés pour la première fois au public dans le cadre de cette exposition.
Une œuvre plus ancienne, Ort-Mennige (2012) est également présentée à cette occasion ; il s’agit d’un lieu, très simplement architecturé par trois panneaux, qui offre au visiteur la possibilité d’entrer dans l’espace délimité de la couleur pour une immersion sensible.
Vitraux pour Reims
Haut lieu de l’histoire de France, site de la conversion du roi Clovis au christianisme,
cathédrale du sacre des rois de France où Jeanne d’Arc conduisit Charles VII pour son couronnement, la cathédrale de Reims est aussi le symbole du martyr de la ville pendant la Première Guerre mondiale. Écrasée par les bombardements pendant de près de quatre ans, la cathédrale, comme un symbole de résistance, est restée debout malgré des dommages importants. Il est donc remarquable que, pour ce lieu hautement symbolique, un artiste allemand ait été invité à réaliser des vitraux en 2011 puis en 2015. Une salle consacrée à ces deux commandes rendra compte de ces réalisations magistrales. En 2008, dans la perspective des célébrations des 800 ans de la cathédrale de Reims, le Ministère de la Culture et de la Communication a passé une première commande publique à Imi Knoebel pour la création de vitraux pour six fenêtres de l’abside. L’artiste a souhaité retrouver les dominantes des couleurs médiévales en utilisant uniquement les couleurs primaires. Pour les couleurs des verres, Knoebel a donc volontairement limité sa palette à quatre nuances de bleu, trois rouges, deux jaunes et un blanc, tantôt opaques, tantôt transparents. Les verres colorés, finement sertis de plomb, semblent se superposer pour créer un espace fragmenté construit selon une logique de papiers découpés ; technique mise en pratique par Imi Knoebel dès 1979 avec la série Rot, Gelb und Blau et qui n’est pas sans rappeler le travail de Matisse. Dans la tradition des maîtres-verriers du Moyen Âge, il a travaillé avec l’atelier Simon Marq de Reims – qui avait déjà réalisé les vitraux de Chagall pour le même édifice – et l’atelier Duchemin à Paris.
En 2015, à l’occasion des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, c’est l’artiste lui-même qui a proposé d’offrir trois nouveaux vitraux destinés à la chapelle Jeanne d’Arc de la cathédrale rémoise. Pour ces trois fenêtres, Imi Knoebel a largement élargi sa palette utilisant cette fois vingt-sept couleurs dans une composition faite de superpositions de lignes brisées. La réalisation en a été confiée aux ateliers Derix de Taunusstein (Allemagne) et a été entièrement financée par le Ministère fédéral des Affaires Etrangères et la Fondation pour l’art du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie. Ce don de l’Allemagne à la France, ces trois fenêtres pour Reims, dans leur modernité et leur gaieté sont donc aussi un symbole fort de réconciliation et de pardon entre deux nations.
Commissariat : Anne Dopffer, Conservateur général du patrimoine, Directrice des musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes.
Cette exposition a été proposée par Diana Gay, conservatrice du patrimoine.