En dépit de la crise sanitaire, cette Maison n’est pas si abandonnée que cela : elle fait partie des nombreuses galeries qui bataillent pour que restent vivants l’art et les artistes. Elle reste ouverte sur rendez-vous.
Franck Saïssi vient d’y poser ses valises chargées de souvenirs de voyages géographiques et intérieurs. Une force pousse cet artiste à créer, cette force c’est le désir qui le maintient constamment en éveil. Il dessine tout ce qu’il voit, arrache les pages de livres, détourne partitions et cartes marines. De ses nombreuses années passées au fusain, au crayon, au pinceau, sa main a construit une œuvre, solide et pléthorique, profondément ancrée dans son esprit d’où surgissent des visions, même quand celles-ci s’appuient sur des sujets parfaitement ordinaires et triviaux.
Un cabinet de curiosité, avec des quartiers de viande de boucherie, un zoom sur des pattes de poulets, des dessins de végétaux auxquels se juxtaposent comme dans un inventaire à la Prévert des monuments et sculptures on ne peut plus classiques.
Lost... in translation
Franck Saïssi imite ses maîtres dans la nature morte, le portrait, le paysage, même quand il s’agit de vues citadines. Il ne s’effraie pas de traduire fidèlement et avec virtuosité des œuvres du Caravage et du Greco.
Les murs de la Villa Cameline ont bien souvent été témoins des expositions conceptuelles des artistes de la villa Arson, souvent peu accessibles, il faut bien le dire, aux yeux du néophyte. La galerie n’est pas sectaire : elle expose un des nombreux artistes du XXIème siècle qui, de manière entièrement personnelle, transcende l’art figuratif. D’ailleurs, à la vue de grinçantes galéjades, d’horrifiantes et surréalistes images qui réveillent nos peurs nocturnes, couleur noir de fumée et argent vieilli, l’idée d’une parenté avec les illustrations de Gustave Doré effleure l’esprit des lecteurs de contes. Saïssi n’est pas sage. Il nous apparaît un peu fou, (souvent de grands rires inquiétants éclatent derrière ses images). Il nous offre à sa manière heureuse le cadeau de points d’appuis tangibles à nos émerveillements perdus. Est-ce pour cette raison qu’il a choisi le titre "Lost" à cette exposition ?