Fondation Bisazza pour le design et l’architecture Vicenza
Créée en 1956 par Renato Bisazza, un génie des affaires qui a su développer son entreprise de miroiterie en un groupe mondialement reconnu pour ses réalisations en mosaïque de verre. Un homme qui a toujours revendiqué la valeur artistique de son activité au service de la beauté, de l’art et des artistes.
Décédé en 2012, ses enfants Piero, Rosella et Marco poursuivent son œuvre. Par la qualité et l’originalité de leurs productions, ils contribuent grandement au développement de cet art décoratif ancestral.
Née en Mésopotamie à Uruk sous formes cônes d’argile cuite à base colorée et plus tard de cubes de céramique, de galets ou de fragments (appelés tesselles) de pierre de couleur, d’émaux, de verre collés sur de l’argile (à l’origine) puis sur toutes sortes d’enduits éventuellement teintés, la mosaïque a plu aux romains qui ont propagée cet art décoratif dans le monde, couvrant leurs sols, leurs bassins, leurs thermes, de mosaïque.
Au Moyen Âge, le Catholicisme l’a adoptée pour ses églises, particulièrement byzantines en créant de véritables chefs d’œuvre en mosaïque polychrome et dorée à l’or fin comme celles la Basilique Saint Marc de Venise ou à Ravenne.
En 1588, avec la Renaissance Italienne, la mosaïque s’industrialise grâce au grand-duc Ferdinand I de Médicis qui fonde une manufacture spécialisée dans le travail des pierres dures (elle a poursuivi son activité pendant plus de trois siècles).
Toutes sortes d’objets (tableaux, coffres, dessus de table, bijoux) sont alors recouverts de mosaïque.
Quelque temps délaissée, elle réapparaît dans l’Art Nouveau avec Klimt, qui, découvrant les mosaïques de Ravenne, s’enthousiasme pour cette technique et crée des œuvres d’une immense richesse décorative. À Barcelone, Gaudi édifie le parc Güell tout en courbes recouvertes de morceaux cassés et dépareillés de faïence ou de verre de couleur (le trencadis). À Paris, l’Art Déco en recouvre ses monuments et l’art moderne (avec Léger, Chagall, Picasso, etc.) l’adopte comme un de ses médiums.
- Studio Job Silver Ware 2007 © photo Danielle Bocchino
Renato Bisazza, visionnaire, intègre les nouvelles technologies nées de l’ordinateur (le pixel, équivalent de la tesselle) et de la découpe au laser.
Il met à la disposition de multiples créateurs, designers et architectes, les techniques et savoir-faire de son entreprise pour créer des œuvres d’avant-garde.
À partir de 2006, avec l’aide de l’architecte Carlo del Bianco, il transforme ses six mille mètres carrés de locaux industriels proches de Vicenza en une Fondation de toute beauté. Sols, entrepôts, salles des fours sont repensés et réarchitecturés en immenses pièces ouvertes sur de jolies cours carrées engazonnées au design géométrique, reliés par des porches permettant une circulation fluide.
- Cour de la Fondation © photo Danielle Bocchino
Outrepassant les techniques habituelles, les artistes créent des mosaïques improbables, des projets délirants, complexes à réaliser, utilisant à la fois une haute technicité et de "petites mains", le plus souvent des femmes, pour assembler des tesselles aux formes irrégulières, parfois coupées une par une et déposées délicatement à la main selon des schémas compliqués.
Chaque œuvre est un pari et nécessite l’adaptation ou l’invention de nouveaux procédés, continuant ainsi de faire évoluer les savoirs ancestraux.
- Alessandro Mendini, Poltrona di Proust Monumentale, 2005 © photo Danielle Bocchino
La visite du lieu offre des surprises, particulièrement les détournements d’objets du quotidien démesurément agrandis : mosaïques d’or blanc (théière, plat, bougeoir, miroir, cuillère, etc) du studio Job silver Ware (2007) avec son pendant de mosaïques d’or (chaussure, un gant, une veste, un chapeau, une étoile, etc.) de Alessandro Mendini.
- Alessandro Mendini, Mobili per Uomo, 1997-2008 © Photo Ottavio Tomasini
Changement d’échelle aussi pour le monumental Fauteuil de Proust d’Alessandro Mendini (2006), la plus connue des œuvres en mosaïque polychrome.
À voir également des œuvres étonnantes comme "Le cavalier" de Dürer (2011), la "Rock Chamber" de Arik Levy, (habitat géométrique), le détournement de la toile de Jouy par Patricia Urquiola, la voiture de Marcel Wanders (elle roule) et l’avion en mosaïque de Jaime Hayon, 2008 (il ne vole pas).
- Alessandro Mendini, Il Cavaliere di Dürer, 2011 © photo Danielle Bocchino
Sont présentées aussi des œuvres plus conceptuelles comme la forêt de colonnades carrées déstructurées de Richard Meier, la grande installation de Fabio Novembre (avec son profil et celui de sa femme) ou la Rotonde de John Pawson, toute en dégradés de gris.
Plus proches de la peinture, "Bon voyage et Bonne chance" en mosaïque rouge et dorée de Mimmo Paladino, les cubes colorés géométriques de Sottsas ou le plongeur de Sandro Chia.
- Richard Meier, Internal Time, 2013 © Photo Rocco Toscani
Dans chaque salle, trois éléments documentent l’œuvre : une vidéo, le dessin qui a donné naissance à la sculpture, et un petit texte de présentation.
Pour finir quelques salles présentent les créations de Bisazza : salles de bain, mobilier, décorations murales etc.
- John Pawson, 1:1 (One to One), 2012. © photo Alain Amiel