Ses œuvres
Depuis 1974, les œuvres de Didier Demozay présentées en galerie sont le résultat d’un travail direct, toujours sincère, où l’énergie des figures entrent en confrontation grâce à des oppositions de couleurs de base. L’artiste annonce ne pas être « coloriste » mais ne vouloir « peindre que la couleur »…
A l’origine, les formes étaient diverses, les couleurs prédominaient.
Désormais, les formes s’approchent du rectangle sans jamais s’y restreindre. Et les couleurs continuent de s’imposer dans une opposition le plus souvent duale, sans jamais se superposer. Une autre constante surprenante : face aux couleurs le blanc de la toile commande ; il se joue alors des tensions produites entre les formes et les couleurs dans leur relation à cet espace laissé crayeux où elles semblent parfois flotter.
« Ma peinture ne se regarde pas comme un tableau terminé, fini, auquel il n’y a plus rien à ajouter, non, mais comme une peinture en train de se faire. Laisser la peinture dans l’état du faire, du peindre et poursuivre, continuer à explorer les limites. Rechercher, douter, provoquer, détruire, recommencer son travail, ne pas le figer, laisser la peinture, la couleur, là où cela devient impossible ».
Didier Demozay, Notes sur ma peinture. Extrait du catalogue de
l’exposition Didier Demozay, Centre régional d’art contemporain, Montbéliard, 2003.
Sa grande économie provient d’un protocole pré-établi très strict. Chaque fois, le fond de la toile est recouvert d’une fine couche de peinture d’acrylique blanc. Deux ou trois surfaces très colorées prennent alors place. Généralement, ce sont des couleurs « pures », souvent les mêmes, noir ivoire, bleu outremer, vert phtalocyanine, vert de zinc, rouge vif, noir ivoire, violet de cobalt, enfin orange et jaune. Ces couleurs sorties directement du pot, sans mélange aucun ou très rarement, sont appliquées sans effet. Seul le rose est affaire de panachage !
Didier Demozay pousse ainsi la peinture dans ses retranchements, chaque nouvelle oeuvre est une mise à l’épreuve. L’artiste peint debout face à la toile dans un rapport de force avec le tableau. Exigeant dans sa pratique, il détruit toute toile qui ne lui convient pas, celles-ci sont très rarement reprises.
« Si les œuvres exposées à la galerie Jean Fournier poursuivent cette même recherche, elles révèlent aussi les transformations qui se sont opérées dans la pratique du peintre durant ces dernières années. Ainsi, face à ces peintures se remarque immédiatement l’utilisation nouvelle de très grands formats allongés (variant entre 180x270 cm et 180x320 cm) qui s’étirent horizontalement dans l’espace de la galerie. Se prolonge aussi la diminution du nombre de couleurs avec un rôle affirmé du noir articulé à une deuxième couleur pure et auxquelles s’ajoute le blanc de la surface apprêtée. Ce resserrement de la couleur intensifie la tension interne entre les formes colorées qui détermine la production d’un espace pictural. L’accroissement d’une instabilité et de la précarité du tableau dans les œuvres de 2006 se déplace ainsi dans la modification de l’espace pictural impliquée par les formats allongés. L’expansion latérale du format et le mouvement de fuite qu’il introduit s’articule à l’apparition de bandes verticales, résurgence d’un travail plus ancien de la fin des années 90. (..) Lignes et formes anguleuses sont autant de découpes de la surface en formes colorées d’où procède cette construction de l’espace entre morcellement et unité. Dans cette mise ensemble de surfaces, de formes et de couleurs, le diptyque, autre nouveauté dans le travail du peintre, pluralise cet espace fragmentaire et manifeste l’indéterminé d’une surface ouverte dont la peinture doit se saisir. Au risque de l’éparpillement et du discontinu, se radicalise la construction d’un espace pictural par la possibilité (en tant que telle toujours provisoire et jamais définitive) de coexistence de la couleur. »
Romain Mathieu, Faire avec... la peinture, 2009