Dans cet immense isolement, Samet vient reprendre son poste pour l’année alors qu’il espérait sa mutation à Istanbul. La compagnie d’un collègue et colocataire (Musab Ekici) le réconforte, mais aucun de ces deux enseignants n’est guère sympa : suffisants et désabusés, trop amers et pleins d’orgueil et de doutes, ils regardent leurs vies leur échapper comme des flocons d’une neige fondante.
En fait, le poids des habitudes a engourdi Samet qui n’a guère une opinion favorable de ses élèves. Seule une jeune adolescente retient son attention et il s’attache à lui transmettre un enseignement plus intense qu’aux autres. Ce sera jugé comme de la séduction. Aussi, accusé de harcèlement sexuel, d’évidents ennuis s’enchaînent pour lui et son collègue également mis en cause...
Lorsqu’une jeune enseignante (Merve Dizdar), très attachante et belle, arrive pour les rejoindre dans ce poste du bout du monde, cela met un peu de piment dans leur vie. Elle boite suite à un passé agité où elle a été fortement blessée. Auprès de ces deux jeunes hommes déjà rouillés, elle est pleine de vie, avec des centres d’intérêt et des idées alertes qu’elle essaie de transmettre à ses co-disciples.
Pourtant, elle se demande si elle peut être désirable malgré son handicap !
Le talent du cinéaste Turc Nuri Bilge Ceylan est indéniable – c’est un des plus grands cinéastes contemporains - et tous ses films sont sélectionnés au Festival de Cannes, où ils se retrouvent souvent au Palmarès, grâce à une superbe beauté qui s’ajoute à un grand intérêt et à une intensité émotionnelle inoubliable : Palme d’Or en 2014 pour « Winter Sleep », Prix de la mise en scène en 2008 pour « Les trois singes », Grand Prix en 2003 et 2011 pour « Uzak » et « Il était une fois en Anatolie »...
À Cannes, au Festival de mai dernier, c’est le Prix d’interprétation féminine qui a été remis à Merve Dizdar : personne n’aurait pu contesté la qualité indéniable d’un jeu très subtil de cette comédienne dans un rôle pourtant un peu ingrat. Mais le réalisateur aurait pu obtenir tous les prix pour ce film de 3 h 17 ( tous les films de Nuri Bilge Ceylan sont longs – et bavards – sans que les spectateurs ne ressentent la longueur) ...
Les herbes sèches ? C’est la maigre végétation ensevelie sous la neige et qui ne réapparaît qu’à l’été sans passer par le vert ... Là-bas, deux seules saisons : l’hiver et l’été...
Caroline Boudet-Lefort