La photographie, le collage, la maquette, la vidéo participent à l’élaboration des matériaux iconographiques dont la peintre fait usage pour réaliser ses oeuvres. Ses tableaux convoquent les strates de la mémoire et de l’archaïque immémorial à travers des scènes s’apparentant à des anamnèses, des souvenirs-songe.
Des linéaments improbables de paysages s’y télescopent dans un univers disloqué où les archives familiales entrent en collision avec des documents historiques et des fragments iconographiques issus de l’histoire de l’art.
Contempler une peinture de Barbara Navi, c’est plonger dans les confins de royaumes inconnus
Situées entre réalité et fantastique, ses toiles semblent être suspendues dans un entre-deux que le visiteur peine à définir. Ces univers éthérés paraissent soumis à un équilibre précaire. Ni Eden, ni Enfer, ils semblent en attente d’un basculement à venir. Les scènes de bonheur qui s’y déploient se voilent d’une angoissante aura. Bacchanales, rondes et déjeuners sur l’herbe sont entourés d’une violence potentielle témoignant de la fragilité de l’allégresse. Rappelant le frisson qui raidit l’échine sans qu’on en puisse en déterminer la cause ou le ciel qui s’assombrit, prémonition d’un orage à venir. Ici, les différences d’échelles contribuent à augmenter le sentiment de malaise.
Les peintures de Barbara Navi se font écho du monde contemporain.
Ses toiles témoignent des tourments modernes et les espaces qu’elles contiennent illustrent un monde en proie au changement, prêt à basculer dans le chaos.
Prémices, Babel, Nouveau Monde, les titres des oeuvres, distillant une poésie mystérieuse, sont des présages de ces bouleversements futurs.
Poursuivant un chemin singulier, entamé depuis plusieurs années, elle explore les marges de la peinture. Cette recherche implique un investissement total au service de son oeuvre. C’est peut-être pourquoi elle retravaille ses toiles, comme si elles vieillissaient avec elle. Si cette exploration exige un engagement total, l’oeuvre qui en résulte n’est ni pontifiante, ni désespérante car la bascule qui tend les mondes de Barbara Navi n’est pas irrévocable. Si le changement est certain, il est possible d’échapper à l’apocalypse et l’artiste ne ferme pas la porte à une issue favorable. Il existe une potentialité que le basculement se fasse vers un bonheur à venir.