Serpula, Mathias Ollivier, 2010
« Mystère… Je dirais même plus, c’est un mystère… », comme surenchérirait Dupont sur Dupond. Car il existe un mystère belge. Inventé par les Français qui ont fait de leurs voisins septentrionaux des sujets de risée. Oubliant, méconnaissant, par exemple, Georges Rémi (Hergé), un autre Georges (Simenon), Henri Michaux, Django Reinhardt, Audrey Hepburn (passons sous silence J-C Van Damme), Sœur Emmanuelle. On aurait pu joindre aux Belges émérites, Mathias Ollivier, s’il n’avait été… français. Mais natif du plat pays. De sorte qu’il lui reste quelque chose de René (Magritte). Sans doute est-ce en raison de ce vieux fonds, qu’il a consacré une biographie à la nonne bruxelloise, Sœur Sourire (Dominique, nique nique, 2009), célèbre et atypique. Comme lui.
Alors que la dominicaine passe à la chanson dans les sixties, Mathias Ollivier, lui, emprunte diverses voies détournées pour s’y rendre. Y compris maritimes et théâtrales, après avoir suivi les cours de l’Actor studio, à Los Angeles. Pendant les seventies, il se produit à Paris dans Hair, Jésus Christ Superstar. Il enregistre. Le succès est au rendez-vous de l’auteur-compositeur-interprète, mais sa personnalité hors norme – ou tout simplement indépendante, comme celle de tout créateur – le conduit à la production, l’édition et surtout l’écriture, au début des nineties. En 2007, un titre résume, son esprit frondeur : La Nulture, déclaration des droits de l’artiste.
En 2010, paraît Serpula, du nom latin d’un champignon rongeur et destructeur du bois. Le substrat d’une société pas si imaginaire que cela, dominant les esprits et les êtres. L’inverse du paradis sur terre qu’est l’Utopie de Thomas More. Ce qui s’appelle une « dystopie ». Pour de plus amples renseignements se reporter au Meilleur des Mondes, d’Huxley, à 1984 d’Orwell ou à Fahrenheit 451 de Bradbury. Sans oublier ses classiques, Zadig de Voltaire ou Les Lettres Persanes de Montesquieu. Mathias Ollivier leur ajoute une capitale en capilotade– Bruxelles –, où un « révolutionnaire du bonheur ", Marcus, entend déposer la dictature à visage humain en annihilant la calamiteuse Serpula, œuvre de ses semblables.
Toute ressemblance avec des événements existants n’est évidemment pas pure coïncidence. Le politiquement Korrekt est devenu la police des pensées, régentant tout un chacun. Même pas insidieusement, puisque devenue la morale officielle. Ce ne sont absolument pas les habitants de cette planète qui se rassasient de hamburgers, mais eux, qui dévorent leurs amateurs. Eux qui instaurent la civilisation stéréotypée, du « merchandising », infligeant des normes de vie standardisées portant en elles-mêmes son autodestruction. L’auto-cannibalisme.
Qui endosse divers déguisements – réchauffement climatique, marée noire, crise financière, Tchernobyl, Fukushima –, tous imposés par les gardiens de l’ordre et de la démocratie.
Reste que, à ce jour, un seul peuple a réussi à vaincre la serpula. Celui des Belges si brocardés. La preuve en est qu’ils détiennent le record d’un pays sans gouvernement.