Liberté que Michel a d’abord prise vis-à-vis des peintres de sa famille, dont son père, Raymond Gaudet, liberté qu’il a prise par rapport à l’environnement – l’Ecole de Nice en particulier - liberté qu’il a prise face à ses trop grandes facilités techniques, liberté qu’il n’a cessé de soutenir face aux contraintes du marché. Etant aussi un critique d’art qui compte depuis des décennies, Michel Gaudet dit l’être d’abord à son propre endroit, critique. Car sa maîtrise absolue des techniques, il est capable de la soumettre au dernier critère qu’est pour lui la sensibilité, et sa raison sait écouter l’œuvre quand elle lui dit : je suis terminée.
Mais c’est vrai qu’à 87 ans Michel Gaudet est définitivement dans la maîtrise d’un art qui a été sa passion principale - avec son épouse - comme il l’avoue dans l’interview filmée qu’il nous a accordée, à Mattias Ott, Catherine Ott et moi en 2004, à l’occasion de sa rétrospective au CIAC (Centre International d’Art Contemporain/Château de Carros), intitulée « Tout est silence et je rêve encore », selon la jolie formule extraite d’un texte de Jani sur lui.
Une leçon de dessin
A cette époque, devant notre caméra Michel réalisa un Nu virtuose tout en nous gratifiant d’un véritable cours de dessin tel qu’il en évoquerait – entre autres - les caractéristiques dans son texte du catalogue de l’exposition « Vissi d’arte » au Château-Musée Grimaldi du Haut-de-Cagnes de l’automne 2009.
Texte presque emblématique de sa vision de la Peinture, de l’Histoire de l’Art, de la Technique et de sa Libération, texte que voici, et que j’ai envie d’intituler d’une phrase qu’il contient : « La première règle de l’abstraction est la liberté créatrice ».
La première règle de l’abstraction est la liberté créatrice.
« La peinture abstraite ou non figurative, dans la relation de l’artiste et du contemplateur, nécessite chez ce dernier l’acceptation de l’aventure. Le sujet n’existe plus. Seuls, un dessin, des couleurs, une texture sont perceptibles. Aucune référence visible n’intervient, ni paysage, ni portrait, ni figure... Parfois un titre qui rassure ou intrigue le spectateur. Dans une symphonie, on peut se fier aux règles de la composition musicale mais il serait vain d’envisager un message anecdotique dans l’organisation polyphonique proposée. La peinture ou la sculpture abstraite intervient selon un processus sensitif, émotionnel, qui atteindra le contemplateur en fonction de sa culture, de ses dispositions intellectuelles, de ses habitudes. Le décor, la présentation jouent leur rôle, facilitant la perception de l’œuvre mais celle ci demeure avant tout une aventure, un lien spontané ou élaboré entre le créateur et celui qui contemple. Une œuvre acquise se transforme. Passé le temps de l’enthousiasme, et de la spontanéité de l’acquisition, vient celui de l’analyse, de l’intimité avec l’œuvre et il est bien rare que la maturation ne soit pas bénéfique. La peinture figurative, réaliste ou transposée, offre un schéma conducteur. La perception de ce cadre, vériste, naïf, poétique, anecdotique, rend plus aisée l’acceptation de l’œuvre. Elle est moins restrictive que la recherche abstraite. On note que cette conception, plus isolée, est surtout perçue par les gens cultivés mais aussi très souvent par les enfants et par les êtres de culture primitive, non encombrés de cartésianisme. Le tableau eut pendant des siècles une fonction religieuse ou historique. Les primitifs louaient Dieu ou des saints, ou encore des seigneurs et des rois. Les renaissants y ajoutèrent des thèmes mythologiques ou historiques. Traités dans leurs cadres, ces panneaux ou ces toiles eurent valeur de témoignage. Grâce à eux, architectures, mobiliers divers, costumes, portraits nous furent transmis en une fidélité documentaire dont le style varia selon les époques. Le vingtième siècle optant pour la photographie, la radio et le cinéma, mit fin à cette vertu testimoniale de la peinture.
Quand on regarde une toile ou une sculpture, on est saisi, si l’œuvre nous intéresse, par un ensemble. Les lignes, les couleurs, la composition, les formes ou les volumes sont admis par notre entendement d’une manière naturelle, spontanée...
Notre intérêt pour l’œuvre se développe ensuite et nous progressons : des détails, certaines teintes, certains signes, des angles ou des méplats, pour une sculpture, seront notés et assimilés par notre esprit. Ces éléments deviendront sous jacents lors d’un autre examen. S’y ajouteront d’autres intérêts et peu à peu la plénitude de la pièce s’énoncera pour devenir définitive. Mais ce contact pourra être modifié quand des conceptions motivées interviendront. La perspective d’une conférence, d’un article critique, d’un enseignement, d’une préface jouera son rôle. Bien entendu, cela procède de notre culture, de notre métier, de nos habitudes. Un artiste ou un critique d’art aura une disposition affective ou technique différente selon qu’il est européen, africain ou asiatique. L’énorme mérite de Picasso et de ces disciples fut ainsi de découvrir l’art nègre qui transforma la logique du vingtième siècle. Je fus sollicité par des américains qui me présentèrent leur fille. Agée de seize ans elle était enfant prodige, dessinant et peignant merveilleusement d’une manière classique : un vérisme poétique digne de certains Dali ou Magritte Quand on ne retient que le décor. Mais cette perfection l’ankylosait, la paralysait, lui rendait impossible la moindre interprétation non photographique de la nature.
Même si pour beaucoup cette faculté était un avantage, il y avait là une limitation qu’il convenait de supprimer. Je fis faire à cette jeune fille des travaux d’invention : projection d’encre de Chine depuis un encrier, écrasement d’une motte de terre sur une toile, rinçage d’une huile par un fort courant d’eau, reproduction de couleurs tamisées par des écrans de verre colorés. Parallèlement, je lui fis étudier des reproductions de Kooning, Kandinsky, Pollock et Mondrian. Nous regardâmes également des dessins rupestres, des œuvres naïves de Rousseau, Séraphine de Senlis, voire Dubuffet... Ce travail dura quelques semaines et fut l’objet de séances espacées, entre lesquelles elle approfondissait ces données. J’eus ensuite de ses nouvelles, elles étaient positives. Beaucoup de peintres amateurs, copieurs émérites de la nature, souvent des aquarelles ou des gouaches, souhaitent s’évader de l’impératif d’une apparente logique. J’ai proposé à ces amateurs quelques exercices : travailler à l’huile ou à l’acrylique (en tubes) pour obtenir l’opacité des tons. Choisir un paysage simple, le dessiner pour le peindre. Prendre ensuite un vermillon intense et couvrir le ciel aussi unitairement que s’il s’agissait du bleu du ciel. Ce rouge étant peint sans triche ni transparence, continuer le tableau... Si le paysage ainsi réalisé se voit sans difficulté, un énorme progrès vient d’être accompli.
Mettez un modèle dans une pièce, votre support, papier, toile, ou terre pour une sculpture, dans une autre pièce. Concentrez vous sur le modèle puis dessinez le dans l’autre pièce. Ne comparez l’étude et le réel qu’à la fin de l’étude. Fragmentez votre tableau en trois ou quatre parties. Réservez une de ces parties pour une couleur : jaune, bleu, rouge, orangé, peu importe. Travaillez ensuite votre tableau en vous obligeant à respecter la couleur choisie dans le fragment qui la concerne. Les autres parties devront s’accorder avec la première, sans jamais comporter de rappels. Cet exercice détermine la priorité et l’accord harmonique des couleurs. Identiquement ne traiter d’après modèle qu’une partie du corps et travailler le reste selon la mémoire ou l’invention. Il faut inventer un paysage, un portrait, un personnage, une scène... Ne jamais être esclave d’une copie. La première règle de l’abstraction est la liberté créatrice. S’il est indispensable de savoir dessiner « de tête », l’apprentissage de cette pratique est systématique. Pour dessiner le modèle à l’atelier, il convient de limiter sur la feuille l’emplacement de la tête et des pieds, de placer le pubis (au centre) et de travailler selon le canon de Cousin. Il est plus vrai que celui des Grecs. Pour atteindre la profondeur, il n’est pas interdit de tracer au compas la circonférence médiane d’une sphère puis d’approfondir le volume par l’estompe ou le rendu. Matisse connaissait le nu académique mais il préférait, au fusain, tracer les contours du corps, effacer, reprendre et répéter ainsi, jusqu’à décision, le croquis initial. Il procédait de la sorte pour le portrait et à la vingtième ou vingt cinquième étude linéaire rapide, on voyait surgir, en quelques traits enlevés, la ressemblance.
Dans l’apprentissage de la peinture il faut s’astreindre à regarder la peinture. Cela s’impose pour toute espèce de peinture. Aussi bien les remarquables figures de la céramique grecque que les tableaux primitifs ou les imposantes œuvres de la Renaissance. Ni les impressionnistes ni les cubistes ne doivent être oubliés et les abstraits complèteront le panorama. L’étude, pour être profitable, doit être complète, c’est à dire s’intéresser à la forme matérielle, le dessin, la composition, les couleurs et la texture mais aussi, avec autant d’importance, à l’esprit de la création. Les Ménines de Vélasquez seront aussi utiles que Guernica, L’indifférent de Watteau aussi appréciable que l’impression soleil levant de Monet. Toutes ces œuvres sont parfaitement composées, le nombre d’or, instinctivement respecté, leur confère un équilibre harmonique qui épaule la majesté de Vélasquez, l’hor¬reur de Picasso, le charme de Watteau et la sérénité de Monet. Il s’agit de « morceaux de peinture ». Les Constructeurs de Fernand Léger, les nus de Bonnard, les portraits de Modigliani s’inscrivent dans un impératif identique. Ils expriment la peinture... Cette affirmation de ce qui est peint, aussi visible dans un dessin rupestre que dans un carré de Mondrian, dépasse tout entendement théorique. Inexplicable en est le processus mais sa perception, indispensable pour le peintre ou l’amateur d’art, différenciera la réalité de la création artistique et la théorie, si voisine soit elle. Quand Duchamp propose son Nu descendant l’escalier, il agit en qualité de peintre. Quand il offre un urinoir ou une roue de vélo comme une sculpture, il engage une manifestation révolutionnaire mais personne ne songera à s’extasier sur les qualités de forme ou de couleur de ces objets. Si Rousseau est admiré, ce n’est pas pour sa maladresse et les Dubuffet de l’art brut, si épouvantables qu’ils soient, demeurent pleinement qualitatifs dans l’optique de la peinture.
Deux méprises considérables ont modifié le comportement de quantité d’amateurs : la naïveté haussée à la qualité d’école et le ready made considéré comme sculpture. Toutes sortes d’œuvres mal dessinées ou mal peintes ont envahi les salons et des pièces usinées ont vanté le minimalisme. Les manifestations dadaïstes et surréalistes mal comprises ont favorisé la plus grande licence et le sentiment que l’art dit contemporain autorise toute initiative, a généralisé la médiocrité. Les écoles n’ont cessé de se multiplier, créant d’autres comportements et des philosophies nouvelles. Les Nouveaux Réalistes, Support Surface, l’Art pauvre, le Minimalisme, l’Hyperréalisme sont très loin, voire aux antipodes, de la peinture évoquée ci dessus. Le Happening, devenu Performance, introduit la notion de spectacle et l’Installation celle du décor. Il n’est d’ailleurs pas interdit de s’adonner à ces manifestations qui procèdent du polymorphisme des arts. Picasso dans la multiplicité de ses expériences, brisait triomphalement les interdictions, innovant dans l’esprit, le style et le matériau. Matisse joua un rôle identique mais moins spectaculaire, se révélant au grand public, surtout après sa mort, comme le fera Fernand Léger dont l’œuvre drue et magnifique est loin encore de rencontrer l’unanimité du grand public. Le Fauvisme, le Cubisme et l’Abstraction sont les grands ultimes moments de la peinture classique, à l’exception d’Ernst, de Klee et de Tanguy dont le surréalisme s’accompagna de recherches picturales. Les Dali, Magritte, Delvaux furent des peintres académiques qui introduisirent dans une peinture classique les éléments fantastiques ou incongrus de leur surréalisme.
La première moitié du vingtième siècle eut en France six remarquables ténors : Matisse, Picasso, Léger, Bonnard, Mondrian et Kandinsky. Indépendamment de leurs apports personnels, ils perpétuent la spécificité de la peinture et notre regard, si nous sommes peintres ou véritables amateurs, englobera dans une même jouissance les Giotto de Padoue, Melancholia de Dürer, L’Atelier de Courbet, Le bal du Moulin de la Galette de Renoir et les œuvres majeures des artistes précités. Il s’agit de l’essence de la Peinture, ces qualités de construction, de poésie, de texture, de couleur et d’esprit qui, à des degrés divers mais indispensables, ouvrent le champ de la vraie peinture. Un tableau est ainsi constitué. Il est terminé quand il assume son existence propre, quand son auteur peut le contempler comme s’il s’agissait de l’œuvre d’un autre. Cette complétude s’acquiert grâce à un je ne sais Quoi, brusquement définitif, apparu à un certain moment dans la conception entreprise. Un tableau, quel qu’il soit, n’échappe pas à certaines règles. Equilibre des masses, présence des chauds et froids, alacrité ou densité de son écriture, texture... Même dans les « anthropométries » d’Yves Klein se dégagent ces points majeurs que les critiques d’art, dignes de ce nom, sauront découvrir. A ces qualités propres s’ajouteront les raisons de l’œuvre, son intention, son esprit... Comment comparer le portrait du roi Charles VII par Fouquet avec une Odalisque de Matisse ? Pourtant l’un et l’autre s’inscrivent dans la plénitude de la peinture. Il existe plusieurs catégories d’écrivains d’art : l’historien, le chroniqueur et le critique, groupés en France au sein de l’A.I.C.A France (Section française de l’Association internationale des critiques d’art). Si les trois catégories relèvent de spécialisations, quelque peu différentes, elles possèdent en commun la responsabilité de la communication sur les œuvres d’art. La première qualité, indispensable à un tel exercice, est la clarté qui, malheureusement, est souvent submergée sous un fatras de termes techniques. On observe que la critique ne condamne que très rarement une œuvre d’art alors que le cinéma, le théâtre et les Lettres sont soumis aux critiques les plus féroces. Je pense que l’extrême subjectivité de l’art le protège de la condamnation. Longtemps Picasso fut soumis à l’opprobre. « C’est du Picasso ! » disait on par dérision... Puis, à défaut d’unanimité, car son œuvre est souvent difficile, on admit le principe de son éclatante prescience. Il faut contempler la peinture pour l’apprécier. Les installations de peinture contemporaine, dans les lieux publics, ne sont pas d’emblée promises à l’enthousiasme. Il est rare, si elles sont qualitatives, que leur retrait se fasse sans regret. Ce fut le cas à Rouen ou au Havre où la C.G.T avait proposé des Fernand Léger dans une usine, que l’on eut du mal à mettre en place et encore plus de difficultés à retirer. Ce tour d’horizon est subjectif comme toute approche de l’art... il est le résultat d’une longue expérience. Servir la peinture fut la seule raison de sa rédaction. (Michel Gaudet, Cagnes, mars-avril 2009).
La première règle de l’abstraction est la liberté créatrice semble donc celle appliquée par Michel Gaudet tout au long d’une vie, mais quelle est cette vie ? J’ai eu le plaisir d’écrire une biographie de Michel Gaudet pour le catalogue de sa rétrospective au CIAC, elle est bien trop longue pour figurer dans ce chapitre, mais son début est déjà très explicite, le voici, avec pour titre :
« Un homme sur la brèche, à l’écoute du monde »
« En 1981, participant à la 3ème quinzaine d’Expression contemporaine, Michel Gaudet définit son expression comme abstraite, elle l’est encore aujourd’hui. Mais ce choix de l’abstraction ne s’est pas fait d’un coup, et pour cause : l’Histoire de l’Art, ses acteurs, interrogent la Forme, et le choix d’un vocabulaire est ce qui occupe l’artiste, c’est par là qu’il dit sa représentation du monde, inscrite dans celles de son époque.
Michel Gaudet aura engagé sa quête à proximité de géants, Renoir, Matisse, Braque, et dans une famille de peintres, et cela aurait pu faire pression sur ses propres impressions. Mais avec quelle indépendance d’esprit il a sondé, sans défaillance, sa propre vision. C’est l’histoire d’un désir fort qui fut, au long des années, de plus en plus reconnu, tout en l’ayant été dès les premières productions du jeune peintre. Reconnu, attendu, surveillé, par tout un monde, autour de lui. Mais chacun se demandait où tout cela irait. Et, puis, à partir du moment où la décision de l’abstraction se fit chez Michel, ce monde, celui du Haut-de-Cagnes, identifié à un Montmartre ou à un Montparnasse, une sorte de Ruche, s’élargit au Monde, les Institutions, galeries, musées, etc. Cela se fit à la seule force de l’œuvre, car Michel Gaudet - contrairement à toute une espèce de chercheurs des années 60, qu’il reconnut et admira, dont il fit l’exégèse en toute curiosité - ne voulut pas être un fracassant happeninger, metteur en scène de l’Objet, de la destruction, des poubelles, de la consommation, des Prisunic, des nouvelles philosophies, du zen -mais, « tout simplement », un peintre/peintre, chercheur de la peinture, ce qui n’est pas une mince affaire, et ce qui reste une bonne question. La Peinture/Peinture reste une question pour beaucoup d’artistes aujourd’hui, et heureusement : on n’en a pas fini (en finira-t-on jamais ?) avec la question de la surface, des pigments, de l’espace, des contrastes, de la Forme, donc, et surtout de la subjectivité à l’état pur, intime, et secrète. Et c’est par ce genre de questionnement, à lui, que Michel, de toute façon, a touché au monde contemporain. Mais de manière plus subtile, plus intériorisée. Intériorisation de l’homme qui se retrouve, évidemment, dans sa peinture. C’est au spectateur de décrypter. Et les critiques, depuis toujours, ont eu à cœur de le faire, se sentant concernés. Ils l’ont fait avec une si grande intelligence que je ne pouvais ne pas les citer, tout au long, et depuis le début. Puisse mon texte les faire revivre, car ils ont été des témoins pointus et affectueux, ce qui n’est pas étonnant, car Michel est aussi un homme pointu et affectueux, et l’histoire de sa vie, et de sa « carrière », et une histoire d’amitiés. Et ce n’est pas par hasard si l’homme de fidélités qu’est Frédéric Altmann accueille aujourd’hui, au Centre International d’Art Contemporain de Carros, l’œuvre de Michel, et pas seulement en cette exposition, c’est toute la collection de Michel Gaudet qui va aller donner au CIAC un fonds précieux. Tous deux, celui qui l’offre, et celui qui la reçoit, savent ce qu’ils font. Ils savent que la transmission de l’Art à la Société, qui en a soif, mais ne la reçoit pas si facilement, passe par ce genre d’actes. Fondateurs, et refondateurs, sans fin. Ces deux hommes y travaillent depuis toujours, et cette rencontre est symbolique. Je voudrais y associer Alexandre de la Salle, qui invita Michel Gaudet à exposer dans sa Galerie de Saint-Paul en 1995, ce qui fit écrire à Michel : « Comment ma peinture évolua grâce à Alexandre de la Salle ». L’histoire de Michel Gaudet est l’histoire d’un amour passionné de la peinture, et d’une œuvre tissée par un fin connaisseur de l’art. Œuvre libre, parlant de liberté par tous ses pores, comme en tous les autres domaines de la vie de Michel Gaudet. L’époque étant au marketing artistique, l’authenticité d’une route sans concession ne peut que nous réjouir. Authenticité qui résonne dans la phrase de Montaigne choisie par lui en exergue de son livre, paru en 2001 aux Editions Demaistre, « La vie du Haut-de-Cagnes (1930-1980), la bohème ensoleillée » : « Ai-je laissé quelque chose à voir derrière moi ? J’y retourne ; c’est toujours mon chemin. Je ne trace aucune ligne certaine, ni droite, ni courbe ». Chemin qu’il aura fallu défricher dans la broussaille d’une forêt magique, celle des Hauts de Cagnes, où la vie de Michel Gaudet s’identifie maintenant à une tranche d’Histoire de l’art.
La forêt magique du Haut-de-Cagnes
En dehors du fait que Michel Gaudet apparaît dans une famille où « tout le monde est peintre » (Claire Maillot, sœur de Louise Maillot sa mère, compagne du peintre allemand Jupp Winter, une espèce de Viking, etc.), l’épisode de sa naissance le lie d’emblée à la famille Renoir, hôte également du Haut-de-Cagnes : « Je suis né 1924, quelques jours avant Noël, à Nice pour l’accouchement car les Hauts de Cagnes n’étaient apparemment pas équipés pour les enfants de peintres. Or à Nice, le docteur R. acceptait un tableau en échange de sa pratique et mon père lui offrit une petite huile. Quelques mois plus tard, aux Colettes où Paulette Renoir mit au monde son fils Paul, Claude Renoir, pris de court, dut s’incliner également. Il trouva le processus culotté et cher. Mon père, Raymond Gaudet, était peintre. Naturellement il se fixa à Cagnes dès son mariage. La présence de Renoir, Matisse, Bonnard, Picasso justifiait l’engouement des artistes pour le midi. Il existait alors des lieux sensibles, aimés pour leur beauté, leur pittoresque et leur ambiance. Greenwich Village, Montmartre et Montparnasse en furent l’expression urbaine. Positano, Saint-Tropez, Mirmande, Cagnes, Saint-Paul-de-Vence, les sites villageois. Peintres, sculpteurs, écrivains, musiciens en quête d’inspiration s’y installèrent dès la fin du XIXe siècle et l’on sait que la présence de Renoir à Cagnes est due à l’insistance de son ami Ferdinand Deconchy, peintre, époux d’une Cagnoise ». Les artistes en quête d’inspiration furent aussi Modigliani, Soutine, Villeri, Davring, Ponce De Léon, Dauphin, Hedberg, Fred Klein et Marie Raymond, père et mère d’Yves Klein, il y eut aussi des écrivains, musiciens, acteurs, Michèle Mochot-Bréhat, Marie Vassiliev, Roger Lucchesi, Mouloudji, Georges Ulmer, André Luguet, Simenon, Consuelo de Saint-Exupéry, Béatrice Heyligers...
Haut-de-Cagnes, lieu mythique
Michel Gaudet raconte tout cela dans « La vie du Haut-de-Cagnes », témoignage exceptionnel sur une partie essentielle du monde culturel et poétique des Alpes-Maritimes à partir de 1930, où des mythes pouvaient se forger, comme celui de Modigliani, malgré sa cour à Jeanne Hébuterne, engendrant dans une famille paysanne, ou, concernant Soutine, des rumeurs épouvantables... Ce que Michel tient par contre de son père, c’est le marchand de tableaux Zborowski lui écrivant pour lui demander d’aller récupérer des tableaux de Soutine laissés en gage à La Gaude. « Un chèque permettait de payer la somme due et de renvoyer les œuvres à Paris. Mon père obtint de Claude Renoir le prêt de sa voiture pour le transport jusqu’à la gare. Aucune missive ne l’informa d’une bonne réception, mais Soutine, devenu riche, grâce à Barnes, répondit par la suite à mon père : Zborowski s’est mêlé de ce qui ne le regardait pas, vous auriez dû garder ces toiles, les prendre pour vous ! » Ce monde entré dans la légende est d’abord une terre tellurique, de lumière, de saveurs, et ce n’est pas pour rien que celui qui va devenir le grand Yves Klein y ait goûté, entre 37 et 43, avec ses parents, Fred Klein, « bon peintre voué aux clowns et aux chevaux », et Marie Raymond « qui allait s’émanciper dans la peinture abstraite et obtenir un prix Kandinsky ». Yves enfant, plein d’invention, déguisant ses camarades, monta le théâtre des gnomes, organisa des courses de cafards...
Raymond Gaudet, le père
(…) Mais, contrairement à tous ceux qui, après la révolution plastique des années 50/60, commenceront, dans les écoles, par les monochromes ou les ready-made, les vrais peintres épureront leurs formes jusqu’au vide en apprenant d’abord... à peindre, tout simplement. Pour ôter, il faut bien ôter quelque chose. Michel Gaudet est de ceux-là, ô combien. Car c’est son père, Raymond Gaudet, qui l’a initié, ayant été l’élève de Jean-Paul Laurent et Henri Matisse, étant « peintre d’un talent sûr et aquarelliste distingué, qui sait concentrer dans chacun de ses tableaux la somme de quarante années d’études et d’expériences, son pinceau donne un cachet d’élégance, d’aristocratie même, à tout ce qu’une main ferme et légère l’oblige à développer, grenoblois d’origine, M. Gaudet ne s’est pas contenté de faire sur place une analyse théorique de son art, il est allé étudier en Italie et en Bavière les œuvres des maîtres, quatre ans de captivité en Allemagne ont encore enrichi son style, purifié sa technique... » (R. Mounier). Quant à Jean Vertex : « Il est rare qu’un artiste à ses débuts ait la chance de Raymond Gaudet qui s’initia sous l’égide d’incomparables maîtres de la peinture tels que Matisse, Bonnard, Renoir, Signac, et dans l’entourage de camarades fort doués comme Marchand, Foujita et Soutine, tous attirés par la lumière méditerranéenne et installés à Nice ou dans les pittoresques bourgades de l’arrière-pays de la Côte d’Azur."
C’est dans une Bohème comparée à celle de Montmartre que grandit Michel Gaudet. « La Bohème sous le soleil », titrera Claude Marais dans un article de 1948, Michel Gaudet en cite des extraits dans « La vie du Haut-de-Cagnes ». Mais le texte est savoureux tout du long : « Je vous revois, ô peintres de mon grand Paris... je vous revois dans vos ateliers, qui ne donnent sur aucun ciel, tenant de vos doigts gourds le pinceau voluptueux qui fixe sur la toile la lasse nudité faubourienne des petits modèles frileux. Je revois le poêle tiède, le divan râpé et je sens encore l’hiver se glisser sous les portes et se coller aux carreaux. Oui je vous évoque dans ce janvier tout en douceur et tout en lumière dans cette rue de Cagnes qui monte droit vers un ciel d’imageries.... Cagnes ne serait après tout qu’un de ces villages crénelés, oublié par le méfiant et cruel moyen-âge dans l’enchantement de la Côte d’Azur, si un jour Renoir ne l’avait longuement regardé. Il planta sa tente et son chevalet au pied de la colline. La tente ce fut bientôt Les Colettes ». (…)
André Verdet raconte que, sortant de la malédiction d’Auschwitz et Buchenwald, ce fut Raymond Gaudet qui l’aida à retrouver les sortilèges et enchantements de la Provence haute en l’emmenant en balade dans son side-car, et Zon en lui préparant d’odorantes soupes de légumes pour l’aider à réparer un estomac délabré... apprenant que la résistance avait été le péché de jeunesse du fils, Michel... Et pendant un certain temps, avant que « Michel » ne devienne « Michel Gaudet », « R. Godet » et « Michel » (pour éviter la confusion ), exposeront ensemble, et les journalistes suivront leur face-à-face sur cimaises (parlant même de « duel ») avec une pertinence étonnante, tels des analystes très au fait de la nécessité de « tuer le père ». En toute amitié et labeur, bien sûr... Le fils reçut du père une technique si solide que la Villa Thiole lui parut insuffisante, et dès le début la Critique remarqua chez lui force, détermination, dans le dessin, dans la couleur, dans les formes. Une assurance qui vint sans doute du dessin, avec lequel on ne peut tricher. L’étude des « Nus », pratiquée par les deux maîtres proches, Renoir, Matisse, restant sans doute aussi pour toute la vie un retour aux sources, retour à la découpe au sens platonicien, retour au corps, de la femme, de la mère. Quelque chose d’enflammé, de mille manières... « Pour qui brûlent ces flammes ? » titrera un journaliste anonyme, disant peut-être l’essentiel de l’œuvre de Michel, cette recherche implacable alimentée par un fourneau qui jamais ne s’est refroidi. « J’ai toujours vu de la peinture chez moi, dit-il, de la peinture diverse, Matisse, on avait même un petit Renoir qui était ravissant, même pendant la guerre, dans le Dauphiné, la première chose qu’on a faite a été d’enlever les tapisseries couvertes de cerises pour accrocher des tableaux ». Fin 44, lorsque les Gaudet rentrent à Cagnes, leur maison a été pillée, beaucoup d’amis ont disparu, le camarade de classe Xavier Blanc est mort au maquis, le château où les allemands ont torturé servira de prison. Sauf Smirnoff tous les artistes sont partis. Mais la vie va reprendre, Jean Clergue va ouvrir le Château à la peinture, en devenir Conservateur, ainsi que du Musée Renoir, et d’un Musée de l’Olivier. Michel peint. En juillet 58 Louis Nucera (calé dans l’un des fauteuils des Odalisques de Matisse, qui se trouvaient chez Michel) concevra un article racontant comment le jeune peintre interrompit ses études à Nice pour entrer dans la Résistance... Gestapo, évasion, maquis, puis théâtre pour les sinistrés du Vercors, reprise des études, licence de lettres, enseignement, et, chaque jour, dès la fin des cours, rush dans l’atelier pour peindre. Une aquarelle de 1946 représentant la ferme de la Suve, à Voiron, montre la souplesse dansante d’un réel décalé, c’est la magie de l’aquarelle qui à la fois effleure et imbibe.
En marge de l’école de Nice, un monde inclassable
Michel Gaudet écrit que, tandis qu’à Nice vont naître « des mouvances importantes », Nouveau Réalisme (autour de Pierre Restany avec Klein, Arman, Raysse), Ecole de Nice (autour d’Alexandre de la Salle, Jacques Lepage et Frédéric Altmann, avec Ben, Alocco, Gilli, Chubac, Serge III etc.), « il est difficile de classer l’activité des artistes de Cagnes », qui ne fut au contraire « qu’un lieu de rencontres et de passage ». Mais quelles rencontres, et quels passages ! Même si aucune Ecole ne s’y cristallisa, car l’Histoire est aussi faite de rendez-vous manqués, tel Chagall prêt à faire donation au Château, « mais une convocation intempestive à la Mairie de Cagnes, comme un simple citoyen, le dégoûta à tout jamais… ». Et Vence qui négligea ce même Chagall, et Dubuffet, Dufy, Matisse.... Cagnes eut sa nouvelle génération de grands artistes, mais sous forme d’électrons libres, Geer Van Velde, Jean Villeri, qui venait de « Cercle et Carré » et « Abstraction-Création », et qui, sportif et sobre, jouait aux boules sur la place du château, Davringhausen dit Davring, qui, accusé par les nazis d’artiste dégénéré, avait fui l’Allemagne. Sereins quoique désargentés, ils savaient jouir de bains de minuit improvisés, de repas impromptus après la vente d’un tableau. Pour gagner quelques sous, il y avait toujours des maisons de village à repeindre...
A Cagnes, Michel se jette dans la peinture, comme il l’explique à Alexandre de la Salle et moi au cours d’une interview qui sera reproduite dans le catalogue de son exposition « Variations Saturniennes » à la Galerie Alexandre de la Salle au printemps 1995 : « M’étant trouvé à Voiron comme professeur sans rien d’autre à faire que quelques heures de cours, je me suis mis à peindre sérieusement parce que lorsque j’étais enfant, mon père étant peintre, ma tante étant peintre, toute ma famille étant peintre, j’avais toujours dessiné et peint. Et je me suis rendu compte à ce moment-là que je ne savais rien faire et qu’il fallait que j’apprenne complètement mon métier. Et à l’UMAM à Nice en 1948 a eu lieu une exposition où j’ai pu voir les grands de l’époque, Picasso, Matisse, mais aussi Rouault, Gromaire et les autres, et ça m’a ouvert les yeux sur une peinture que je ne connaissais pas et qu’il fallait que j’approfondisse. Je suis allé à la Villa Thiole, et je me suis entendu avec Edouard Fer qui en était directeur, pour faire du nu, comme je l’entendais, non pas sous la direction d’un professeur. Pour appréhender le corps humain. J’ai toujours fait du nu par la suite. Jusqu’en 56 j’ai été figuratif, mais j’en eu assez de faire des sous-Vlaminck, des trucs comme ça, et un jour comme je faisais une nature morte de glaïeuls et que je n’y arrivais pas, j’ai décomposé la toile en deux parties, en trois, il y avait trois superpositions de glaïeuls, c’était donc déjà une démarche un peu cubiste... J’ai beaucoup étudié Braque, beaucoup regardé ses travaux. Mon père était un impressionniste, qui me disait : copie la nature. Le cubisme m’a aidé à ne plus la copier. Quand j’avais cet atelier avec des élèves, je leur disais : pour casser cette image de la nature, dessinez votre paysage, et puis au moment de peindre commencez par le ciel, et faites-le tout rouge. Si vous faites suivre le reste, vous aurez fait un grand pas dans la peinture ».
Je lui fais observer que l’art contemporain a déconstruit la nature. « C’est ce que j’ai fait, répond-il, et puis ce cubisme ne m’a plus satisfait au moment où il cassait tellement l’objet que je n’en avais plus besoin : je suis devenu abstrait ».
A. de la Salle - C’est peut-être que ce n’était plus l’époque ?
M. Gaudet - Je m’en fichais de ça, ça m’est égal, qu’un mouvement soit terminé ou pas, je m’en moque.
A. de la Salle - Tu nies l’histoire de l’art ?
M. Gaudet - L’innovation systématique, ça n’a pas de sens... Il ne faut pas exagérer, et rester trop en retard, mais pourquoi aller chercher de manière maniaque si une chose a déjà été faite dans l’œuvre d’un peintre, si cette œuvre est belle... Il y a toujours des références. Actuellement certains veulent systématiquement faire de l’avant-garde, mais ils se casseront la figure, et on les oubliera.
France Delville - Il y a un temps intérieur qui ne correspond pas forcément au tempo de l’époque ? Ton œuvre c’est ton tempo intérieur, une fidélité à toi-même ?
M. Gaudet - Certainement, oui.
France D. - La peinture est la grande aventure de ta vie ?
M. Gaudet - Oui, ça se traduit par trois choses : la peinture que je fais, la peinture que j’accompagne de ma critique, et la peinture que j’organise, la Maison des artistes, le Festival etc.
Figuration ou abstraction ?
La Presse se demande régulièrement si Michel va se décider pour la figuration ou l’abstraction. Mais pour lui l’enjeu est de résoudre des problèmes brûlants, dont il s’explique de temps à autre, comme il le fera en 1995 : « Ce qui me plaisait, et me plaît toujours c’est la peinture. Et l’esthétique. Démarche à la fois d’audace et d’équilibre. Ce que je cherche dans la peinture c’est mon combat personnel de la difficulté. Une chose plaît à l’homme quand il y a correspondance entre son équilibre et ce que dispense l’œuvre d’art dans ce domaine. Les cathédrales gothiques, les pyramides, les grands buildings nous plaisent parce qu’ils correspondent en nous à quelque chose qui est indiscernable mais qui nous permet de marcher droit, c’est l’équilibre. Si je fais comme Gauguin et que je dise il manque un rouge, je mettrai un rouge de trois centimètres même s’il me détruit complètement la toile, et à ce moment je fiche la toile en l’air, mais il y a l’obligation d’aller jusqu’au bout de ce que je peux faire, jusqu’à ce que la toile me dise maintenant c’est fini ».
A cette époque de recherche, est-ce outrancier de dire que ses toiles montrent déjà le risque, et la fermeté du choix ? Je ne crois pas, mais de toute façon c’est par ces portes-là qu’il est passé, pour aboutir, à la fin du siècle, à l’engagement qu’est chaque tableau : « Je prends un flacon, je jette une tache, je la corrige, je tire un trait, je n’interprète pas, la tache devient quelque chose qui m’appartient, et je lutte avec elle jusqu’à ce que le tableau me dise : je suis fini. Peut-être que trois mois plus tard, il manquera quelque chose ». A cette époque il peint des vases, des pipes, pas loin de Derain, Renoir, parce que c’est « la vie au sens réel du mot » qui l’intéresse. Aplats de couleur, denses, pour dire l’apparition inouïe de l’objet, dans la lumière au sens réel, les photons... Ces bateaux par exemple... Sont-ils figuratifs, ou bien d’une présence surréelle, inquiétante d’altérité ? Comme d’un regard étranger. Cet homme si amène, qui montrera fin des années 90 des gerbes de matière déployée dans le vide intersidéral, avec masses et couleurs de gemmes d’une grandiose préciosité, ou bien des apparitions de corps, dit « nus », d’une intensité de sensations compactes, presque brutales, n’a peut-être jamais cessé de faire jaillir sur la toile de subversives entités. Quelque chose d’entrevu, dont la mémoire instantanément se perd, et pour cause, l’esprit humain n’est pas à la mesure, il ne peut qu’être traversé d’éclairs ».
Michel, acteur incontournable de la vie artistique…
Tout le parcours de Michel Gaudet est passionnant, et, heureusement, assez de textes biographiques en rendent compte, assez de catalogues, assez d’articles, assez de traces pour que chacun puisse se rendre compte qu’un homme qui ne se vante jamais a accompli un travail énorme au service d’une recherche picturale de valeur, au service de la transmission de cette expérience, au service de la transmission de l’Histoire de l’art. Frédéric Altmann qui était en 2004 le directeur du CIAC, et qui a donc décidé de cette exposition, l’a bien exprimé dans sa préface : « Michel est un acteur incontournable de la vie artistique, rôle qu’il assume depuis des décennies avec tact et discrétion. Homme aux talents multiples peintre, membre éminent de l’association internationale des critiques d’art, président de la Maison des Artistes de Cagnes sur Mer, mais aussi écrivain et conférencier il a la passion de transmettre ses connaissances au plus grand nombre et de rendre l’art accessible à tous. De cette vie exemplaire, le texte de France Delville publié au présent catalogue retrace parfaitement le parcours. Artiste trop discret, son travail n’a pas encore la place qu’il mérite et notre rôle sera désormais de mettre en lumière cette trajectoire attachante. Son œuvre, celle d’un explorateur des voies les plus secrètes de la matière et de la couleur, respire la liberté d’expression car Michel n’a jamais été inféodé à un mouvement et ne s’est jamais prosterné devant la mode. Il n’a pensé qu’à une seule chose : servir la peinture. En effet pour lui et avec lui la peinture n’est pas morte ! »
En même temps qu’Art Côte d’Azur », le journal « Le Patriote » (dans lequel Michel a écrit depuis 1962) lui a offert un espace, cette fois-ci employé par Michel lui-même, au nom du « Solstice du Mercantour », pour parler de quelques amis, André Verdet… et… plus loin… de Frédéric Altmann qui, à Roquefort, expose ses archives « Du Nouveau Réalisme à l’Ecole de Nice, 1961-2011 ». En fait deux expositions Altmann/Jean Mas (avec Performas) se sont succédées, à La Gaude et à Roquefort, pour continuer de faire vivre ce Mouvement glorieux ! Frédéric Altmann que Fabienne Bongiovanni, dans le Nice-Matin du 14 décembre 2011, a traité d’icône, à propos de son exposition à Roquefort, justement ! (C’est un homme hors du commun, un pilier de l’art contemporain, de l’Ecole de Nice, un personnage, une icône !) Je pense que Frédéric, qui a tellement soutenu Michel Gaudet, ne verra aucun inconvénient à ce que, dans la foulée, je traite aussi d’icône ce dernier ? En tous cas : merci à Michel de tant de persévérance, de savoir, de passion !