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Ecole de Nice - Chronique 29 : Les Atypiques - Chronique Bimensuelle sur l’Ecole de Nice - par André Giordan et Alain Biancheri pour Art Côte d’Azur

Résumé des chroniques précédentes

L’Ecole de Nice et ses apports au monde l’art ? Et à la société tout simplement ? Quelles ont été leurs remises en question par rapport au contexte de l’époque ? Les apports de la mouvance Supports-Surfaces, ceux de Fluxus-Nice et les « anciens » du Nouveau Réalisme, récupérés par l’Ecole de Nice ont fait l’objet des Chroniques précédentes.

Les 4 mouvements artistiques qui ont permis l’émergence de l’École de Nice (Nouveau Réalisme, Support/Surfaces, Fluxus et le groupe 70) ne suffisent pas à justifier la richesse et la créativité de cette école ; des artistes, pourrait-on dire, « indépendants » ont véritablement été à l’origine de ce « big-bang ». La région niçoise a évidemment été au cœur de la création, car les expositions organisées par les tenants des mouvements les plus représentatifs se sont déroulées à Nice ou dans sa région et ont permis de faire apparaître les artistes qui ont constitué le noyau de l’Ecole de Nice.
Toutefois ce ne sont pas simplement ces artistes qui constituent l’unique référence de cette Ecole, car d’autres créateurs ont suivi des chemins détournés, des démarches qui ne se sont pas inscrites dans les idées des mouvements évoqués précédemment, et qui ont pu donner une certaine idée de la créativité niçoise par leur attitude ou leur action.

« L’Ecole de Nice, pour l’histoire, c’est d’abord Yves Klein (11), l’insurrection d’un jeune homme contre le silence pictural qu’essaie en vain d’emplir l’anecdote des peintres-à-touristes locaux. Il faudra un jour se pencher plus attentivement sur cette vie active et brêve assez originale pour entraîner un trio dans une aventure extrême. Yves Klein, Martial Raysse et Arman l’accompagnant, part à la conquête de l’art et du monde. De Nice, rien à attendre, ils le savent. Il n’y a pas de miracle, le désert n’est pas de lui-même fécond. C’est contre le désert et stimulé par quelques exemples extérieurs que le projet naît et prend consistance. Cependant les affinités sont assez profondes pour que le groupe persiste. A Nice, Ben Vautier, Robert Malaval et Paul-Armand Gette entreprenaient dans un esprit voisin des oeuvres divergentes. Avec des moyens différents, Jean-Jacques Condom, Claude Gilli, et Bernar Venet suivaient ces voies pour eux devenues exemplaires. Nous étions trois, nous voici dix, nous serons trois cents dans dix ans écrit M. Raysse. Aujourd’hui, à Anvers, à Milan, à Londres, à Hambourg, l’Ecole de Nice s’est imposée, et à Paris : tandis que Nice s’attarde aux produits d’importation d’une avant-garde 1900. Ces peintres, qui reviennent régulièrement vivre et travailler dans leur ville natale lorsqu’ils n’y sont pas domiciliés, éprouvent pour elle, on le comprend, un amour très mêlé d’amertume. »
Marcel Abocco, Identités n°11/12 été-automne 1965

Affiche de l’exposition de l’Ecole de Nice à l’œil écoute à Lyon (1967)

Des « atypiques » ?

Ces artistes « hors » mouvements pourraient prendre la dénomination d’ « atypiques ». Le terme « Atypique » ne se veut en aucun cas péjoratif, bien au contraire puisqu’il désigne ceux qui n’ont pas forcément voulu suivre les sentiers battus dans leur quête créative. Il ne signifie pas non plus qu’il y ait un « type » Ecole de Nice puisque celle-ci se veut protéiforme. Nous le donnons dans son sens premier « a-typique » de a-typus, c’est-à-dire sans modèle. D’autres termes auraient pu les désigner, les « inclassables », les « indépendants » ou les « marginaux »…
Mais marginaux par rapport à quoi, à quelle démarche particulière, à quel groupe plutôt qu’à tel autre ? Leurs sensibilités personnelles ont pu ainsi pleinement s’exprimer : elles ont fait avancer leur potentiel créateur. Les Oblitérations de Sosno ou les Cages à Mouches de Jean Mas ont constitué le ferment de cette création, tout comme les Coulures de Claude Gilli et les Aliments blancs de Malaval.

Sosno, De l’oblitération, mettalogravure, 1990
Affiche de l’exposition Claude Gilli, 1966

Pourtant, qu’y a-t-il de commun dans ces œuvres spécifiques ? Leurs démarches ne s’inscrivent pas à l’intérieur des mouvements que l’on a vu, même si un certain nombre d’affinités a permis des rapprochements ou des échanges de pensée . Certains artistes ont été pratiquement à l’origine de cette Ecole de Nice qui, sans eux ne serait pas reconnue comme telle.
Leurs pratiques ont pu quelquefois se rapprocher de démarches explicites ou de mouvements reconnus, comme Bernar Venet assimilé aux artistes conceptuels, ou Paul Armand Gette proche des Mythologies Personnelles, mais la plupart de ces artistes ne se rattache à aucun groupe et a vécu son évolution artistique en autonomie. Aussi le choix de ce terme veut permettre d’identifier les créateurs faisant partie intégrante de cette mouvance.

Bernar Venet, Tube n°2, 1966

Réaliser un corpus ?

Mais il n’est pas facile d’établir un corpus complet de tous les « actants » de l’École de Nice. Les artistes « atypiques » sont certes très nombreux, et à la difficulté de les répertorier s’ajoute celle de désigner qui peut être réellement – ou officiellement - assimilé à l’Ecole de Nice, en fonction d’un certain nombre de critères : la chronologie d’abord, par rapport aux dates qui encerclent ce mouvement, l’investissement artistique, ensuite, et, pourquoi pas, la localisation de sa production.
Nice et ses environs pourrait-il devenir un élément de « sanction » ? Bien sûr, le critère essentiel reste un certain « esprit » de recherche dans l’art et dans le lien entre l’art et la société. Mais n’est-ce pas spécifique des particularités de l’époque traversée ?

Malaval, La dormeuse, 1965, Mamac

Toutes ces difficultés freinent la clarté de la situation et l’émergence d’une école en tant que telle, authentiquement définie. (suite à la prochaine chronique)

Pour en savoir plus

Alain Biancheri et André Giordan, Les nouveaux réalistes, Ovadia, 2011

http://www.leseditionsovadia.com/si...

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