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ECOLE DE NICE - CHRONIQUE 17 : Les artistes qui ont fait le tam-tam (2) - Chronique Bimensuelle sur l’Ecole de Nice - par André Giordan et Alain Biancheri pour Art Côte d’Azur

Résumé des chroniques précédentes

Cette chronique continue à rencontrer les personnalités qui ont contribué à rendre visible l’Ecole de Nice. Après les journalistes, les galeristes, les critiques d’art comme Jacques Lepage et Frédéric Altmann et Pontus Hultén, d’autres personnalités ont ponctué l’histoire. Parmi eux… des artistes de l’Ecole ; la chronique précédente s’est centrée sur Sosno, de son nom Sacha Sosnovsky et sur Ben Vautier, connu sous Ben…

Marcel Alocco

Au même titre que Sosno et Ben, Marcel Alocco a également « mouillé sa chemise » pour cette Ecole. Sa démarche fut chez lui tout intellectuelle. Cet artiste a à la fois jalonné et accompagné la saga de l’Ecole de Nice. Il commença par ses participations constantes au courant Fluxus Nice, notamment aux concerts éponymes, tout contribuant par des textes théoriques aux publications Art Total jusqu’en 1968.

Revue Identités, 1965

En 1965, il fait paraître dans sa revue Identités, qui avait été créé à Aix-en-Provence avec le concours de Régine Aizertin-Robin. un numéro spécial sur l’Ecole de Nice.

A partir de cette même année, Marcel Alocco tentera autour de ses publications ou par diverses manifestations –notamment plusieurs expositions - des regroupements d’artistes. Elles seront à l’origine notamment des mouvances de l’Ecole, avec le groupe INterVENTION, puis le Groupe 70 ...
Pratiquement en parallèle, il intervient dans la création de l’esthétique Supports-Surfaces.

Marcel Alocco

« J’ai eu envie de trouver un moyen de travailler à la fois sur la forme et sur la langue. Montrer comment la forme pouvait prendre sens du seul fait de se matérialiser. D’abord travail commenté sur les objets, le « Tiroir aux vieilleries », puis des associations libres de formes et de mots, « l’Idéogrammaire ». M’étant passionné auparavant pour Dada et le Surréalisme, mais dans une approche théorique, universitaire, j’avais l’idée d’une démarche artistique plus large que la « discipline picturale ». J’étais prêt pour Fluxus, en somme.... »
 Marcel Alocco ?entretien avec E. Valdman, ?Edouard Valdman,
Le Roman de l’Ecole de Nice, ?Ed. La différence, 1991

Marcel Alocco, couverture du livre sur l’Ecole de Nice, 1995

Tout en développant une œuvre originale sur un mode précieux, Marcel Alocco écrit en 1995 un livre "Introduction à L’Ecole de Nice" (Editions Demaistre) qui fut le premier livre de références. Réalisé avec la collaboration de sérieux protagonistes de ce mouvement d’art contemporain, Fréderic Altmann, Charles Le Bouil, Agnès de Maistre, Raphaël Monticelli, Avida Ripolin et Christian Skimao, cet ouvrage fut tout à la fois un premier outil documentaire et un guide (auto)critique.
Les articles sur les mouvements et les artistes font l’objet d’une notice factuelle. Cette approche technique autocentrée est complétée par une reconstruction du contexte comme aiment à le faire les milieux de l’art !

Depuis Marcel Alocco reste avec passion le premier soutien d’une certaine orthodoxie (surprenant quand on connaît son parcours), défendant « bec et ongle » un regard se voulant « officiel », tout en continuant à s’interroger sur les dessous de cette Ecole :

« Il reste bien des zones à explorer : les relations confuses (entre 1962 et 1970) de Ben et des niçois avec Fluxus, nébuleuse géographiquement dispersée et aux tendances extrêmes (Voir les tracts politiques de Flynt), le regroupement IN(ter)VENTION à composition variable si ce n’est indéterminée, les relations conflictuelles avec le critique François Pluchart du journal parisien "Combat " (Articles, et lettre ouverte en 1966)… Reste, quand les archives ne sont pas encore trop dispersées ou ensevelies, de vastes domaines à explorer pour les chercheurs de bonne volonté. Quant à l’analyse des travaux, ne pas oublier que ce ne sont pas les critères de la critique antérieure qui font l’œuvre mais la production des œuvres qui invente les valeurs pertinentes et permet la mise en place des outils conceptuels propres à leurs analyses… »
 Marcel Alocco, site personnel (consulté en 11/2010) http://www.alocco.com

Jean Mas

Jean Mas, L’or bleu ou l’Ecole de Nice, Z’Editions, Nice, 1984

L’apport de Jean Mas pour faire connaître l’Ecole de Nice est plus tardif. Normal ! il est plus jeune, cadet de plus de 10 ans des trois précédents. Mais depuis une dizaine d’années, son action est très intense et multiple.

Issu du mouvement Fluxus et connu pour son objet princeps « Cage à Mouches », Jean Mas « synthétise l’esprit de l’Ecole de Nice… », aux dires de Pierre Restany. Dans un livre Emergence Jean Mas, qui vient de paraitre aux éditions Ovadia (2010), cet artiste précise son essence, son originalité et son niveau d’appartenance à l’Ecole de Nice.
Jean Mas est un habitué des galeries, des inaugurations d’expositions, et des colloques pour ses Performas toujours très enlevées. Il y multiplie les opérations Art attitudes qui interpellent le badaud et font parler de l’Ecole. La PerforMas est pour lui « une extension de l’expression plastique de l’artiste ». Elle induit un discours critique et déconnecté de nature à mettre en évidence les incontournables incertitudes de l’esprit. On est frappé par sa limpidité orale ; chaque fois elle fait mouche. C’est tout l’art de cette rhétorique ; elle fait renaître l’itinéraire d’un geste, d’un artiste ou d’une mouvance. Ce faisant, il « exporte » l’Ecole, y compris à l’étranger.

Jean Mas par Alain Amiel, couverture du livre Performas, Ovadia, 2010

Dans la même direction, son Ordre de la Cage à Mouche fut l’occasion chaque année de magnifier l’Ecole. Cet Ordre a pour cet artiste « la prétention d’être par le dérisoire, le futile et l’insignifiant qui caractérisent une Cage à Mouches, une distinction de corps. » « Fourre presque tout », l’Ordre de la Cage à Mouches est un élément dans la recherche d’un critère culturel. C’est aussi une performance artistique.

Distinction de l’Ordre de la cage à Mouche

Jean Mas, Un peu de meurtre de l’école de Nice

1980-1982 - Le café du palais
J.M.G. Le Clézio - Pour l’ensemble de son travail, parce qu’on le voit très peu et parce qu’il marche beaucoup.
Frédéric Altmann - Pour ses activités dans le domaine de l’art et parce qu’on le voit beaucoup et parce qu’il marche.
Calibre 33 - Pour ses activités, manifestations, parce qu’il y a beaucoup de femmes à la tête de l’organisation et pour l’ouverture de ce lieu (Calibre 33 a refusé par principe cette distinction de l’ordre de la Cage à Mouches).

 1983-1985 - Librairie Galerie Matarasso
Michel Butor - Parce qu’on le voit peu et pour la modification introduite.
Ben Vautier - Parce qu’on le voit beaucoup et pour la perturbation.
Radio Némo - Parce qu’elle est libre et pour son émission en direction de la prison de Nice.

 1986
Personne, dans le milieu artistique n’a cette année été jugé digne de recevoir cette distinction.

 1987-1989 Galerie Lola Gassin
Jacques Matarasso - Pour son ouverture.
Jacques Lepage - Pour son information d’art.
Giordan De La Peppa - Pour son livre : « vive la cuisine niçoise ».

 1990 - 1992 Galerie Lola Gassin
Z’éditions - Pour tout sur l’édition et le reste.
Sosno - Pour tout sur l’Ecole de Nice et le reste.
Lola Gassin - Pour tout sur Art Jonction et le reste.

 1993-1994 Galerie Alexandre De La Salle
Claude Gilli - Pour défendre la cuisine française, pour son art du contour dans l’esprit Ecole de Nice et pour 1000 & une chose encore...
Ralph Gatti - Parce que ses souvenirs se noient dans la mémoire de la photo d’une ville, parce que sa moto ne fait pas de bruit et pour 1000 & une chose encore...

Pierre Pinoncelli - Pour porter très haut la force de l’Ecole de Nice, pour avoir rendu récemment hommage à l’urinoir de Marcel Duchamp et pour 1000 & une chose encore...

André Villers - Pour ses 1000 yeux, ses 1000 personnages et pour 1000 & une chose encore...

 1995-2005
Durant cette décennie, personne dans le milieu artistique n’a jugé digne de recevoir cette distinction.

Ces dernières années, Jean Mas a multiplié les opérations « Ecole de Nice ». En 2002, il crée le Label « Ecole de Nice » pour valoriser les actions ou les interventions s’inspirant de cette tendance. En 2005, il anime une exposition intitulée "le cimetière pour l’Ecole de Nice", à la galerie Le Couturier, rue St François de Paule. Elle valorisait une étude de Guy Rottier –autre artiste atypique de l’Ecole- pour un cimetière d’artistes qui devait voir le jour en 2003.
En 2007, il sort un livre Un peu de meurtres à L’Ecole de Nice (roman), Editions Ovadia, Nice, 2007

Sur fond d’Ecole de Nice, une série de meurtres trouble le milieu de l’art. Des artistes sont assassinés dans le style de leur démarche : César est compressé, Arman coulé dans du polyester... Pour être dans le coup, l’inspecteur Moya « se tape l’histoire de l‘Art Contemporain ».

Lancement de la liste 0% aux dernières municipales à Nice

Toujours en 2007, avec le jeune et talentueux éditeur niçois Ovadia, il enterre au CUM en grande pompe l’Ecole de Nice en créant le Collège de Nice qu’il alimente depuis en s’entourant de personnalités d’origines diverses. Son projet n’est plus seulement artistique, il devient systémique et transversal. Les thèmes ne se limitent au seul art ; il est fait appel à la culture en général, aux sciences, à la communication et à l’esprit de la nature…

Jean Mas répliquant à Ben, lors d’une soirée organisée par Ben chez lui le 15 août 2007 (photo Séverine Giordan)

(suite dans la prochaine chronique)

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Chronique 15
Chronique 16

SUPPORTS/SURFACES et l’ÉCOLE DE NICE (suite de la Chronique 16)

La démarche

Caractérisés non par un style commun, mais par une démarche commune, les artistes s’interrogent sur les composantes matérielles du tableau : toile, châssis, pigment. Le sujet est remplacé par une réflexion théorique sur la peinture . L’artiste dénonce le caractère illusionniste de la peinture et propose une déconstruction analytique du « tableau de chevalet ».
A Nice, Supports/Surfaces a eu une influence notable. Dans sa lignée se crée le Groupe 70, constitué surtout d’anciens élèves de Viallat. Dans les années 80, Dominique Angel, Geneviève Martin, Denis Castellas, Elisabeth Mercier, Alfred Angeletti, Gérarld Thupinier entreprennent des recherches matériologiques et jouent sur la dichotomie traditionnelle abstraction/figuration.

Noël Dolla

Noël Dolla est né à Nice en 1945 et vit dans cette ville où il enseigne à la Villa Arson. Ses premières œuvres annoncent directement ses prises de position par rapport à la peinture traditionnelle et aux institutions : les Structures Etendoirs de 1967 se présentent comme des toiles trempées de teinture, flottantes et suspendues, sans aucun rapport avec l’accrochage traditionnel. De grandes toiles, dépourvues de châssis et marquées de points de peinture constituent ses principales pièces en 1969, et seront suivies par les séries de Tarlatanes empreintes de Croix à partir de 1973 à travers une quête des signes plastiques élémentaires et de la mise en évidence des constituants fondamentaux de son langage. Réalisées à partir de gestes automatiques sur des supports de la plus grande banalité, ces œuvres montrent la volonté de s’éloigner du geste classique du peintre.
Entre temps, membre fondateur du groupe Supports/Surfaces, il a pu vivre les expériences plastiques avec les autres artistes du groupe dans la région niçoise (chez Ben ou à Coaraze), et participer à un certain nombre d’actions éphémères, comme, en particulier, au col de l’Authion où il a peint les rochers et coloré la neige.

Ces interventions montrent l’attirance de l’artiste pour d’autres pratiques que la peinture, car il veut aborder les différents aspects des techniques artistiques qui revêtent diverse formes, sans lien vraiment apparent ; ce choix reste toujours volontaire, même s’il est quelquefois déroutant. Il veut rechercher l’absence d’un style unique, et renouveler constamment sa production sans tomber dans la répétition ou la création d’un « style signature ». Les expériences se multiplient : à l’acrylique, il ajoute volontiers des collages d’éléments divers (étoffes, plumes) ou des effets obtenus par le fumage. Il aborde par ailleurs la sculpture et la soudure par la manipulation de l’acier ou du plomb en réalisant des Leurres sous forme de tiges, influencé par les travaux de Richard Serra, ainsi que le néon récupéré fortuitement pour réaliser des sculptures lumineuses.

De nombreuses expositions en France (Beaubourg) ou à l’étranger (Bruxelles) ont pu retracer son parcours et surtout montrer les dernières productions et installations comme au MAMAC de Nice qui lui rend hommage en 1999 avec les étendoirs du Grand Leurre. Une exposition majeure au MAC/VAL en 2009 lui permet d’occuper de très grands espaces.
En tant que professeur à la Villa Arson à Nice, Noël Dolla, tout comme Claude Viallat a ses disciples. Son enseignement poursuit cette tradition et donne naissance à des travaux sur l’élargissement du champ pictural avec Pascal Pinaud, Marc Chevalier, Cédric Teisseire, Marc Chevalier, Agnès Vitani, Sandra Lecoq...

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