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ARDOISE LITTERAIRE : Le Petit Livre Rouge - Par Jean-Jacques Ninon pour Art Côte d’Azur

Le Petit Livre Rouge, Mao Tsé-Toung/Lin Piao, 1964

L’opuscule Citations du Président Mao Tsé-Toung , doit son titre français Le Petit Livre rouge - non usité dans son pays natal - à sa couverture écarlate et à son format étriqué, destiné à l’emporter partout avec soi, dans son havresac ou sa tunique. Il aurait pu tout aussi bien se nommer « Livre Rouge de Poche ».

C’est une compilation de citations, imprimées en lettres vermillon, d’allocutions et œuvres de celui qui, au fil des temps, vit son nom décliné par les Occidentaux hypnotisés par lui, suivant leurs passades. Car il existe des modes orthographiques pseudo intellectuelles : Mao Tsé-Tung, Mao Tsö-Tong , Mao Zedong ; le plus simple étant de l’appeler « Mao » (1893-1976), prénom demeuré intangible. C’est plus familier, intime, câlin, pour un despote qui affiche, comme dans un jeu vidéo, quelques millions de morts au compteur. Pour le bien de son peuple, naturellement. Sauf qu’ici, ce n’est pas virtuel. C’est un ex-maoïste qui le peint et l’écrit.

En 1964, Lin Piao (qui, lui aussi, muta en Lin Biao), est ministre de la défense et chef de l’Armée Populaire de Libération (ou Armée Rouge Chinoise, vêtue pourtant de tout, sauf de cette couleur). Il se pique de rassembler les pensées du Grand Timonier, afin de lui complaire et favoriser son plan de carrière. Il parvient à répartir les extraits en 33 chapitres, supposés guider les masses vers la construction du nirvana terrestre.
Certes, après quelques anicroches honnêtement annoncées :
 « La révolution n’est pas un dîner de gala ; elle ne se fait pas comme une oeuvre littéraire, un dessin ou une broderie ; elle ne peut s’accomplir avec autant d’élégance, de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d’âme. La révolution, c’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre. »
 « La guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens. »
 « Quand il y a lutte il y a sacrifice : la mort est chose fréquente. (…) Néanmoins, nous devons réduire au minimum les sacrifices inutiles. »
 « Tout homme doit mourir un jour, mais toutes les morts n’ont pas la même signification.
« Un écrivain de la Chine antique, Sema Tsien, disait : « Certes, les hommes sont mortels ; mais certaines morts ont plus de poids que le mont Taichan, d’autres en ont moins qu’une plume. »
De tels préceptes, compte tenu des penchants humains, sinon inhumains, ne peuvent qu’engendrer un « best-seller » universel : 900 millions d’exemplaires répandus ; 2e tirage après la Bible. Il faut dire que la diffusion et la lecture du livret sont quelque peu aidées, voire obligatoires dans l’Empire du Milieu. Il devient le catéchisme de la Révolution Culturelle (1966-1969), chargée de faire oublier l’échec économique du Grand Bond en Avant (1958-1960) et de remettre en selle Mao.
Les Français, gens tranquilles et « apaisés » (mot tendance), fins littérateurs et humanistes, ont aussi leurs livres rouges, plus consensuels : le gros (le Code du Travail, à condition qu’il soit édité par Dalloz pour la couleur) ; le moyen (le Guide Michelin). Et là, nous entrons de plain-pied dans la culture française bien digérée : la gastronomie.

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J-J Ninon expose en permanence à la Galerie Ferrero à Nice

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