Jean Médecin meurt le 18 décembre 1965, après avoir régné en maître sur sa ville durant 37 ans, interrompu juste une petite année à la Libération. Son fils Jacques dit « Jacquo (prononcé jacquoù) » -pourtant peu connu, il était alors journaliste- s’impose par fidélité du Conseil Municipal en successeur inéluctable ! Il remporte la mairie de Nice à l’unanimité de ses membres. Il a 37 ans ; il demeura maire pendant 24 ans.
Ce fut la grande période de l’Ecole de Nice. Certes Yves Klein était décédé depuis longtemps, mais ses collègues du Nouveau Réalisme niçois était en pleine productivité et… reconnaissance, hors de leur ville. Le Fluxus niçois, toujours animé par Ben, faisait de plus en plus d’adeptes depuis la venue de Maciunas à Nice. Sous son aile protectrice, des jeunes comme Alocco, Mas, Eribo, Venet, Serge III y prenaient leur essor.
Par la suite, vint l’époque Supports-Surface, Groupe 70 pendant que nombre d’atypiques tentaient d’autres directions. On ne peut pas dire que Jacques Médecin voit d’un « bon œil » ces mouvances. Plutôt il les ignore superbement ou ne veut pas les connaître !
Un projet passe cependant la rampe du Conseil municipal le 3 novembre 1967 : il est question d’un Musée d’Art moderne à Nice. Il fait suite au premier projet… lié à la restructuration de la Galerie des Ponchettes (voir Chronique 20). Ce Centre d’Art avait été défendu devant Jean Médecin, par Henri Matisse et Pierre Bonnard, puis développé par le Docteur Thomas et par Jean Cassarini .
Cette fois, le musée était envisagé comme une aile moderne, implantée dans le Jardin de la Villa Masséna.
Ce projet dont la réalisation est confiée à l’atelier d’architecture Renaudie, Riboulet, Thurnaeur et Vernet, est rapidement abandonné pour réaliser… un parking ! Ce choix paraissait plus judicieux au yeux de Jacques Médecin et des ses électeurs.
Sans l’assentiment du maire et de la majorité de ses adjoints et conseillers, le projet avait été d’entrée mal ficelé. Si l’Etat finançait 40% de l’investissement, la municipalité n’apportait que 20%. Le reste devait être couvert par des emprunts. Dès le départ, la Ville renâclait également sur le fonctionnement ; le musée devait s’autofinancer. Ce qui n’était pas habituel à l’époque…
De toute façon de l’Ecole de Nice, il n’en était point question. Il était envisagé d’exposer la donation Dufy qui avait été présentée à la Villa Masséna , ainsi que les œuvres de Renoir, Van Dongen, Matisse et celles de Chagall .
Par contre, Jacques Médecin - toujours en 1967-, accepte une proposition de son tout-jeune Délégué aux Beaux-arts de la Ville de Nice, Hervé de Fontmichel . Une exposition dédiée à Yves Klein est organisée à la Galerie des Ponchettes qu’on ne « pouvait pas toujours laisser fermée » aux dires de Pierre Golé, un autre conseiller municipal.
Suivant son titre, elle regroupe « Trois artistes de l’Ecole de Nice ». En fait, les trois artistes qui commencent à être reconnus sur le plan international grâce au Nouveau réalisme de Pierre Restany : Klein, Arman et Raysse.
Pendant ce temps, certains de ses artistes exposent à Lyon à l’œil Ecoute. Et Ben et son groupe interviennent dans de multiples lieux.
L’Ecole de Nice à Vence : Un show explosif
"Comment peut-on considérer l’Ecole de Nice, le manifeste de Ben n’en est qu’un des multiples aspects, aussi individualiste et gratuit vis-à-vis de l’ensemble que peuvent l’être les tableaux objets ou gadgets proposés. Il serait vain d’y rechercher une tendance artistique déterminée, une éthique ou un esthétique aux points communes, justifiant le titre d’Ecole, adopté d’ailleurs par ses membres avec un grand point d’interrogation. Sans que ma définition satisfasse, j’en suis persuadé, ses promoteurs, je crois que l’on pourrait établir les fondements de l’Ecole de Nice sur deux principes : d’une part l’irrespect systématique et voulu de toute tradition ancienne ou récente en fait d’art ou de philosophie et, d’autre part, l’attribution à l’objet ou à l’élément de qualités intrinsèques ou extrinsèques exploitables".
Michel Gaudet, Le Patriote
Nice (1967)
Par là même, le maire Jacques Médecin fait connaissance avec l’Ecole de Nice, du moins une de ses composantes. Du moins officiellement !... puisqu’il en écrit la préface du Catalogue .
L’idée de Musée sera relancée dix ans plus tard, au milieu des années 70 avec la nomination de Claude Fournet à la Direction des Musées de Nice.
(suite à la prochaine Chronique)
1 - Jean Cassarini fut un peintre niçois, ami de Matisse.
2- La donation Dufy ne pouvait rester à la Villa Masséna. Le donateur de cette Villa souhaitait qu’elle soit consacrée à l’histoire locale.
3- Ce dernier n’y était pas très favorable. Il souhaitait un musée pour lui tout seul ! Il l’obtint à Cimiez.
4- Il sera par la suite Maire de Grasse durant 18 ans, vice-président du Conseil Général des Alpes-Maritimes et vice-président du Conseil Régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur.
5 - Pour rappel : c’est en 1967 que Alexandre de la Salle organise sa première Rétrospective.
6- Il ne nous a pas été possible de vérifier si Jacques Médecin a écrit tout ou partie du texte…
Les chroniques précédentes
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