Frédéric Altmann – La Frênouse, c’est aussi extraordinaire que la Palais du Facteur Cheval ?
Alexandre de la Salle – Incontestablement. Près de Laval, à Cossé-le-Vivien, Tatin a construit un chef-d’œuvre. En 1962, de retour de longs voyages dans différents pays, dont le Brésil, avec son épouse Elisabeth, qu’il appelle Liseron, et qui devient Lise, il s’y fixe et commence à construire, à modeler, à sculpter un empire, d’un style métissé, d’un style à lui, mais où on peut retrouver de l’aztèque, de l’hindou, une espèce de Taj-Mahal à lui, et puis, bien sûr quelque chose de médiéval, d’un chrétien primitif…
Un Stonehenge décoré, avec le même côté « sacré ». En fait c’est un hymne au « pays de tous ses pères et de toutes ses mères », mais, il a raison, traversé par les échos cosmiques de la situation de la planète Terre dans l’univers… Son amitié avec Breton n’est pas anodine, on sait que le surréalisme a voulu se ressourcer dans les forces originelles, et on peut voir aussi un lien entre Tatin et Brauner, et Wilfredo Lam, ou avec les sculptures de Max Ernst en Arizona. Entre son œuvre dessiné, peint, et son œuvre sculpté, il n’y a d’après moi qu’un changement de medium, c’est toujours le même monde, le sien, un monde qui paraît onirique mais qui était sa réalité à lui. Je peux en témoigner, moi qui l’ai entendu, tel un troubadour du moyen-âge, déployer l’interprétation en long et en large, durant des heures, l’interprétation qu’il faisait de son territoire à lui, habité de géographies diverses, et de Temps divers, qui se regroupent, comme il le dit, en un « non-temps », un « hors-temps », et qui n’est autre que l’Eternité !
Il était, comme ses œuvres, une cosmogonie en marche, un ciel étoilé, une terre labourée et pleine d’herbes sauvages, et quel bonheur que la Frênouse puisse révéler, en dur, cette tranche, ethnologique, de culture, qu’était cet homme en lui-même. L’ensemble architectural a été regroupé le 29 décembre 1966 en Musée, agréé par le Ministère des Affaires culturelles et inauguré par le Préfet de Mayenne le 14 octobre 1969. Il est bien évidemment composé à partir de l’environnement, de la Nature, et les matières employées, les couleurs, les textures, semblent droit sorties de la Terre, des pigments, tout y est tellurique, et aussi céleste, c’est de la poésie matérialisée, une sorte de Chanson de Geste avec des bornes, que sont les œuvres, où on peut rêver à ces tentatives de réconcilier les ethnies, de continuer à tirer des forces des figures primordiales qui continuent d’agir en nous et constituent notre lien à l’Univers.
La Frênouse
L’album sur le Musée Tatin donne les textes qui accompagnent les sculptures, un exemple :
PABLO PICASSO (Chemin des GÉANTS)
------------Le GÉNIE est assis sur le « Fantôme » du « MONSTRE FORMEL » ---- cependant que --- bien souvent en son ŒUVRE --- une assez grande violence entre « les Forces du BLANC et les Forces du NOIR « se manifestent dessinativement dans une certaine « VUE » des ENFERS de notre Terre ---- voir ici même le DUALISME… déchirant combat entre mâle et femelle dans une sorte de « couple humain » ------ où ------ selon – GO --- l’un VEUT – maîtriser ----- vaincre ----- ou même esclaver l’autre… ----------- mais chez Picasso ----- il ne faut pas oublier de voir aussi : l’Oie ---- ZO…
Et c’est tout au long comme ça : des textes accompagnent les peintures ou sculptures, par exemple pour le tableau « La Mère » (1961) :
MMMMM – MMM – MAM – MAM…
………….
O ! ... MAMAN…
Me saouler de ton lait…
Et oublier le temps…
……………
Ou, sur La Frênouse :
… la Frênouse ---------- née autour des sources et des frênes ------ est la seule rescapée la ----- dernière … MAISON … d’un très ancien village… sis en pleine forêt celtique… - des haches de pierre (époque néolithique ------ 3.000 ans avant J.C.) ont été trouvées dans les champs voisins ----- au milieu du 9e siècle -------- la Frênouse fut le lieu . ?. ?. de Grands Combats entre NOMINOE d’ARMOR et DU VIVIEN allé des FRANCS et de CHARLES-LE-CHAUVE
Et puis il y des poèmes accompagnant La Porte de la Lune, La Porte du Soleil, La Porte des Géants, La Fée, Le Douanier Henri Rousseau, Le Dragon, et un autre poème encore qui s’intitule « En ce temps-là - … il n’y a point de temps » et qui finit par :
… et moi ----- le Tatin peinturier
Je crie bien plus fort en … X … ---- en TROU ---- voir…
OU ---------- tous ---- ils peuvent VOIR dans le TROU … CE … qu’ils disent TROU-VER …
Quand « encore » : ILS OSENT … AIMER D’AMOUR … et faire la « ballade de la LUNE » en TROU-VÈRE…
Il y a une très jolie publication « roberttatin Présente le TATIN de la Frénouse l’oEuvrier (sic) » (sous-titre : « En ce temps-là il n’y a pas de temps », qui réunit des dessins-poèmes, c’est admirable….
Mais je voudrais finir sur son poème à André Breton, qui ressemble à une autre forme d’auto-portrait, en mots, et adressé à la sorte de « père » que fut Breton pour lui :
…oui --------- Très cher André Breton…
… je vois bien
… qu’avec cette Main Tienne…
… je traverserai dans peu de temps
… bien d’AUTRES EAUX
… beaucoup plus PÉRILLEUSES
………
… c’est que malgré tous leurs bla-bla
… nous sommes toujours
… en ce Pays de CELTES Aulerques…
… en cette Contrée
… dite des Diablinthes par Jules le César
… et tous les Romanolâtres
… de LATINIE et d’ailleurs…
… sur le Massif ----- Armoricain
… en plein Ar ---- Coat…
Grande Forêt Brocéliande ------
… en bas ------ Men et non pas en Bas ---- Maine
Bas ------ Men dit aussi Men ----- Dü -----
… ou Pierre ----- Noire et Noires ----- Eaux…
… d’où Mayenne
… VOIS---- cy
… en frontière d’AR’MOR
… cette frontière sis
… entre le CERCLE et le CARRÉ…
…………..
… ici même
… en Frênouse
… à Cossé-le-Vivien près Laval
… au Pays de toutes mes Mères
…et de tous mes Pères…
………….
A suivre...