En 1998 Aurélie Nemours et Carmelo Arden Quin répètent leur duo à la Galerie Alexandre de la Salle (Saint-Paul), du 2 juillet au 3 septembre, présentant leurs « Peintures récentes »,
l’invitation d’Aurélie Nemours porte l’une des 7 sérigraphies du livre « noir demi rose », et un haï-kaï de Hugo Caral qui n’est pas dans le livre :
Immaculé noir
Du laçage des espaces
Le point névralgique »
Les sept haï-kaï de « noir demi rose » étant :
Du trop-plein au vide
sous le nombre la puissance
la règle est magique
Micronième x
la brûlure originelle
orgasme du tout
Feutre du silence
aux sources de l’univers
hurle l’instant noir
Au milieu du temps
au milieu de nulle part
au non-lieu du temps
Temps zéro le plein
le vide bond prodigieux
dès lors tout s’énonce
Parfaite la forme
sur cet espace fini
dit le hors limite
Le noir créateur
créature de l’espace
où tout feu s’enferme
(Hugo Caral)
En 1999, Alexandre de la Salle écrit : « Ah ! Que dire de cette magicienne des rythmes - et - du définitif ? Qu’elle aura des décennies durant porté au plus haut l’art des espaces réfléchis, des intervalles calculés, des scansions millimétriques. Son œuvre est superbe de densité, d’équilibre, et, par-delà, de son rapport monacal au monde. Elle est là où les rumeurs du monde s’apaisent, où la forme magique contient tout, là où en son œuvre même elle sait dissoudre son être, et, ainsi le porter au plus haut degré d’exaspération calme et maîtrisée. Elle sait la science des marges, des angles, et de leur dialogue muet. Ses œuvres à la fois nous absorbent et nous rendent à nous-mêmes, sur ce palier extrême où seul subsiste l’essentiel. Aurélie Nemours s’inscrit dans la grande lignée de ceux qui ont apprivoisé les secrets de l’espace, et la place qu’y tient l’homme ».
Dans la revue Art Thèmes d’août 1988 (pour l’exposition « Rythme du millimètre » et « Formes galbées d’AQ), avait paru ce texte d’Alexandre de la Salle reproduit en 1999 dans le « Paradoxe d’Alexandre » illustré par une « Structure du silence » :
NEMOURS et ARDEN QUIN
Deux peintres, Aurélie Nemours, Arden Quin. Tous deux abstraits géométriques. Deux carrières déjà longues, sérieuses, hors « avant-gardes à siège éjectable », passées entre atelier, expositions, réflexion.
L’une, Aurélie Nemours, héritière d’une orthogonalité qu’on pourrait qualifier de pure et dure si elle n’était aussi sensible, subtile, cohérente et pertinente. Elle n’en finit plus de jongler avec les infinies variantes du carré, du rectangle, de la droite et du point. Seront présentées ici trois séries : RYTHME DU MILLIMÈTRE
IDEA
DROITE ROSE.
Le second, Arden Quin, peintre, mais aussi poète et penseur, après plusieurs expositions dans cette galerie, après sa rétrospective aux Ponchettes en 1985, expose pour la première fois son travail sur la série des FORMES GALBÉES exécutée en 1971, et quelques-uns des MOBILES qu’il créa entre 1948 et 1952, jalons dans l’itinéraire d’une carrière particulièrement inventive, et dont une seule de ses Innovations eût suffi au bonheur de bien des artistes ».
Aurélie Nemours et Carmelo Arden Quin au Musée de Pontoise
Autre lien entre Arden Quin et Nemours, Alexandre de la Salle exposerait des Arden Quin de sa collection au Musée de Pontoise en 1989, où « Nemours » avait exposé en 1984. Dans le catalogue ne figuraient que des « Structures du silence », formes noires d’une sobriété monacale, (nemours13 : « Structure du silence », photo catalogue de l’exposition « Nemours » au Musée de Pontoise en 1984) et Edda Maillet, la conservatrice, avait écrit un texte si proche de l’œuvre d’Aurélie, si « initié », qu’il faut absolument s’en souvenir :
« Cette exposition déconcertera plus d’un visiteur. Je le sais, et je voudrais que ceux que l’indignation pourrait tenter, sachent surmonter cette blessure que continue de leur être la peinture. Car c’est bien elle, cette légère respiration au cœur de la touche, ce peu de matière si près du verbe, qu’ils ne savent reconnaître, prisonniers qu’ils sont de leurs rêves, et de ce grand désir d’images qui les empêche d’aimer. Désemparés, ils songent encore que la biographie du peintre leur livrera le secret de l’œuvre, et s’éloignent à jamais d’une peinture qui leur proposait de partager sa demeure. A ceux là, je demande d’abandonner les idoles, de laisser de côté la petite épopée personnelle qu’invente l’historiographe, et d’ouvrir des yeux invisibles sur ce buisson ardent de la peinture, je veux nommer l’œuvre exemplaire d’Aurélie Nemours »
Et Jean Philippe Lachenaud, Maire de Pontoise, avait lui aussi marqué le côté peu commun de l’œuvre d’Aurélie Nemours : « C’est un honneur pour notre ville de pouvoir présenter, à tous ceux qui aiment la peinture, l’œuvre de cette artiste exceptionnelle qui exige de chacun une démarche spirituelle dont cette fin de siècle risque de nous faire perdre le souvenir ».
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