Depuis la naissance de la photographie, de nombreux photographes ont essayé d’abandonner les appareils venus l’industrie pour bricoler leurs propres dispositif de prises de vues.
D’origine hongroise, vivant à Berlin, Magyar a délaissé la photo classique quand il a réalisé qu’il ne pouvait pas transmettre ce qu’il voulait à travers les objectifs habituels. Ses recherches l’ont amené à détourner le scanner de ses fonctions.
Utilisé habituellement pour numériser des images, Il va utiliser un scanner pour "photographier" la rue, les gens, les autobus... A l’aide d’un outillage léger, il capte une image lente (de une à trois minutes) où ce qui est fixe (les immeubles, le mobilier urbain) se dissout en traits noirs ou gris et ce qui est mobile (les passants), bien que légèrement déformé, reste lisible.
Il "fixe" le mouvement comme Duchamp l’avait fait avec sa "femme descendant l’escalier". Mais Magyar n’est pas intéressé par la décomposition du mouvement, ce qu’il cherche, c’est "dépeindre les gens comme étant des particules dans un système tout va dans la même direction". Contrairement à la photo classique où le temps est arrêté au dixième de seconde et au film (24 images/seconde), il crée un entre deux, une image du temps qui passe entre la fugacité et la durée.
Imprimées en larges bandes horizontales, ces images de rues sont étranges et fascinantes. Elles parlent du temps qui passe, du flux dans lequel nous sommes pris et de destination.
Magyar s’interroge : "Qu’est-ce qui se passe entre l’entrée et la sortie de ce flux ? Pouvons-nous laisser aucune trace derrière ? Avons-nous une véritable choix ? "
Une autre série de photos, prise en caméra plongeante montre aussi des déplacements humains (dans de grands espaces, des places, etc.)
Les hommes et leurs ombres croisent celles de centaines d’autres, chacun préoccupé par son propre but.
Dans la troisième série présentée, il a utilisé son scanner pour "photographier" une rame de tramway où les deux mouvements, celui de la caméra-scanner et celui du tramway s’annulent pour nous offrir une image arrêtée, un genre de trompe l’œil mobile.
Avec Magyar, la photo-graphie (?criture avec de la lumière), et son principe (arrêt du temps en fixant la lumière), est remise en question, ouvrant de nouvelles voies de recherches : "Je sais que la solution est cachée là dans les immenses mines du monde numérique et mathématique ".