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Jacques Pelissier, Mon travail vient des gens que j’aime

Comment est né votre travail sur la pâte à modeler ?

Jacques Pelissier (c) H.Lagarde

Jacques Pelissier : Le travail se fait souvent d’accidents. Il y a quatre ans, ma fille était hospitalisée à Lenval, à Nice. Nous sommes descendus à la boutique de l’hôpital lui acheter de la pâte à modeler et j’ai commencé à faire des petits personnages, c’est venu tout naturellement. Puis j’ai commencé à travailler, à les prendre en photo, à créer des fonds et à agrandir leurs dimensions jusqu’à en faire des tirages de 150 cm par 110 cm. Un accident, c’est comme une rencontre. Et parmi les rencontres les plus importantes que j’ai faites dans ma vie, il y a celle avec Lola Gassin.

Lola Gassin, qu’avez-vous fait pour Jacques Pelissier ?

Lola Gassin (c) H.Lagarde

Lola Gassin : À l’époque, cela faisait au moins quatre ans qu’il peignait mais qu’il ne montrait son travail à personne. Or, moi j’avais envie de le montrer aux autres. Nous étions en 1997, j’avais fermé ma galerie de la rue de la Terrasse mais j’ai décidé de la rouvrir pour organiser une exposition du travail de Jacques. La deuxième exposition a eu lieu chez moi rue Maréchal Joffre, en 1999. Et la troisième, ce sera également chez moi, à partir du 29 octobre prochain ?! Là, il y aura des personnages de pâte à modeler et des croquis.

Ces fameux croquis d’enfants sur lesquels vous vous amusez à repeindre ?
 Jacques Pelissier : Oui, comme pour la pâte à modeler, c’est un univers qui me parle, comme à un enfant autiste, vers lequel je vais spontanément et que j’arrive, je l’espère, à faire parler.

  Frédéric Allard : Tu as une approche parlante dans ton travail. Ces personnages, tu leur donnes vie. Il y a une notion de regard sur les personnages, c’est « ta patte ».

Autoportrait de l’artiste - en pâte à modeler

Jacques Pelissier : Au départ, mes personnages ne sont pas plus grands que la paume de la main. Puis je travaille avec un appareil macro, donc on sort de l’échelle, et on entre dans la matière. Sans compter qu’avec la pâte à modeler, on a le temps. Je ne sais pas aller vite, de toute façon. Je dois y revenir le lendemain, les refaçonner selon l’émotion du moment. J’ai largement le temps de penser à la personne que je suis en train de faire. Je choisis généralement des personnes dont j’aime le travail ou qui ont une gueule.

  Frédéric Allard : Ce sont des personnages qui attendrissent. Tu arrives à dégager l’amour ou le respect que tu éprouves pour eux.

 Jacques Pelissier : Oui, mon travail vient des gens que j’aime. C’est comme les rencontres. Par exemple, Keisuke Matsushima fait partie des gens que j’ai rencontrés et que j’aime car il va au bout de sa passion.

Jacques et Keisuke Matsushima
(c) H.Lagarde

Keisuke Matsushima : On pourrait faire une exposition ensemble, un jour ! Je travaille avec les gens dont j’aime le travail. En ce moment, au restaurant Saison, j’expose Shun Kawakami, un artiste-designer qui joue sur la calligraphie japonaise, la photo et le montage. Shun est un artiste complet qui s’inspire des cultures internationales, expérience qu’il a acquise en travaillant beaucoup en dehors du Japon.

 Frédéric Allard : Une exposition avec Jacques, ce serait une bonne idée. Sur le site des vitrines parisiennes, nous avons fait des shootings avec des œuvres de Jacques, deux portraits, et le jour même, 40 000 personnes sont venues voir la vitrine en question. Un vrai succès ! J’adore mélanger art et mode, car il y a un sens artistique dans la mode, avec le travail des créatrices et des stylistes. Une manière de démocratiser la mode. Nous allons d’ailleurs bientôt créer des séries avec des œuvres avec la possibilité de les acheter en ligne.

 Jacques Pelissier : Il y a beaucoup de choses à faire à Nice, car c’est une ville exceptionnelle, avec de nombreux artistes de talent. Mais il y a aussi une grande force d’inertie. Il faut se battre pour qu’il se passe quelque chose.
On a pu le voir avec l’exemple de la foire Art Jonction…

 Lola Gassin : Oui, Art Jonction a duré 15 ans, jusqu’en 2001, puis la ville s’en est désintéressée. C’était pourtant une belle aventure. Au départ, nous l’avions créé pour accompagner le développement des galeries. Le problème à Nice, c’est qu’il y a de bons artistes mais que cela ne fonctionne pas commercialement. Or, l’art est une affaire.

Frédéric Allard
(c) H.Lagarde

Frédéric Allard : Oui, c’est une histoire de complémentarité, et il faut l’accepter.

 Keisuke Matsushima : Jacques, tu as besoin de marketing ! Le poisson, il faut aller le chercher !

 Jacques Pelissier : Cela viendra quand ça viendra !

 Keisuke Matsushima : À Tokyo, j’ai créé une association, Plus Art Club, qui a pour but d’aider les jeunes artistes à trouver des financements. Car sans argent, les créateurs ne peuvent rien faire. Moi, j’ai appris à être créateur, grâce aux personnes qui m’y ont poussé. C’est donc ma manière de redonner. Et le restaurant, c’est la même histoire : c’est un endroit où l’on se rencontre, idéal pour les artistes !

 Jacques Pelissier : Cela me rappelle une phrase de ma grand-mère : « Le non tu l’as, le oui, tu le cherches ». Et cette rencontre, très importante pour moi : un jour, j’étais dans un café à Saint-Germain-des-Prés, et je vois Catherine Deneuve. Je suis allé lui parler, avec mon book, pour lui montrer mon travail. Trois mois plus tard, elle m’a appelé et j’ai fait le portrait de ses petits-enfants. Aujourd’hui, j’ai la même démarche. Je ne me précipite pas, j’attends le bon moment : celui de rencontrer les bonnes personnes.

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