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CHAPITRE 50 (part IV) : Carmelo Arden Quin et Picasso

Suite de la chronique de France Delville de la semaine...

Dans ce nouvel extrait du film tourné au déjeuner de Pontoise, préliminaire à l’exposition Arden Quin au Château (au printemps suivant, alors que Carmelo avait déjà participé en 1985 à l’exposition « Noir et blanc » dans le même lieu), Carmelo précise que lorsqu’il est venu à Paris en septembre 1948, comme il en avait envie depuis toujours, et plus précisément parce que le Mouvement MADI exposait pour la première fois au Salon des Réalités Nouvelles (Gyula Kosice ayant assumé l’organisation), le quotidien du parti communiste argentin, « La Hora », dans lequel il écrivait, l’avait chargé de continuer à envoyer des articles, particulièrement sur l’ONU, sise à Paris, au Palais de Chaillot, où, le 10 décembre 1948, dans une Assemblée générale des Nations Unies, avait été adoptée la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, eu égard au fait qu’après la Deuxième Guerre mondiale et la création de l’Organisation des Nations Unies, la communauté internationale avait juré de ne plus jamais laisser se produire des atrocités telles qu’elles avaient été commises pendant ce conflit. Les dirigeants du monde entier avaient décidé de renforcer la Charte des Nations-Unies par une feuille de route garantissant les droits de chaque personne, en tout lieu et en tout temps.

Carmelo Arden Quin à Paris en 1949
DR

Le document qui allait devenir la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), fit l’objet de la première session de l’Assemblée générale en 1946. La Commission des droits de l’homme comprenait 18 membres de divers horizons politiques, culturels et religieux, dont Eleanor Roosevelt, René Cassin, le libanais Charles Malik, le Vice-Président de la Chine Peng Chung Chang, et le canadien John Humphrey.
Mais la question nucléaire allait mettre à bas tout espoir de paix définitive (espoir bien idéaliste il est vrai), et, comme on le sait, Joliot-Curie, qui, avant la guerre avait travaillé à l’instauration d’un nucléaire civil pour le bien énergétique de l’humanité, et qui continuerait de penser, un temps, qu’on pourrait interdire l’usage du nucléaire à des fins d’armement, allait voir les États-Unis rendre public leur programme d’armement nucléaire puis bombarder Hiroshima et Nagasaki en 1945, voir l’Union soviétique faire exploser sa première bombe atomique expérimentale (RDS-1) le 29 août 1949, et il penserait qu’il fallait dénoncer la guerre atomique par un Mouvement mondial des partisans de la paix, dénonciation qui se concrétiserait lorsque le Conseil mondial de la paix (réuni à Stockholm) lancerait, le 19 mars 1950, un « Appel de Stockholm » exigeant « l’interdiction absolue de l’arme atomique ». Lorsque le 25 juin 1950 se déclencha la guerre de Corée, la campagne recueillit 10 ou 15 millions de signatures en France, et dans le monde peut-être 500 millions de signatures. Frédéric Joliot-Curie étant le premier signataire, il y aurait entre autres Jorge Amado, Louis Aragon, Pierre Benoît, Marcel Carné, Marc Chagall, Dimitri Chostakovitch, Duke Ellington, Ilya Ehrenbourg, Robert Lamoureux, Thomas Mann, Yves Montand, Pablo Neruda, Noël-Noël, Pablo Picasso, Simone Signoret, Michel Simon, Gérard Philipe, Maurice Chevalier, Pierre Renoir, Jacques Prévert, Armand Salacrou, Henri Wallon, Jacques Chirac, Lionel Jospin, Alain Krivine…

L’Appel disait : « Nous exigeons l’interdiction absolue de l’arme atomique, arme d’épouvante et d’extermination massive des populations. Nous exigeons l’établissement d’un rigoureux contrôle international pour assurer l’application de cette mesure d’interdiction. Nous considérons que le gouvernement qui, le premier, utiliserait, contre n’importe quel pays, l’arme atomique, commettrait un crime contre l’humanité et serait à traiter comme criminel de guerre. Nous appelons tous les hommes de bonne volonté dans le monde à signer cet appel ». (Stockholm, 19 mars 1950).

Picasso à la Salle Pleyel

Ce fut donc à la Salle Pleyel, le 20 avril 1949 que s’ouvrit le congrès mondial des partisans de la paix, avec le discours d’ouverture de Joliot-Curie, dans une salle constellée de reproductions de la colombe dessinée par Picasso, devenue la colombe de la paix, et c’est là que Carmelo Arden Quin, rapporteur pour « La Hora », rencontra Pablo Picasso, « qui prenait la parole tous les jours, en espagnol ». En marge du Congrès, le 23 avril 1950, se tint une « Conférence nationale des Intellectuels pour la paix » où Joliot y prononça une phrase qui devint un slogan : « Si demain le gouvernement français nous demandait d’orienter nos travaux vers un but de destruction, nous répondrions non ! »

Invitation de l’exposition au Musée de Pontoise
DR

Carmelo Arden Quin l’humaniste

Le chapitre 35 de ma chronique traitait de la période où Carmelo Arden Quin, en 1936, avait participé à des actions en faveurs des Brigades Internationales, ayant espéré lui-même s’y engager, il raconte aussi comment sa première exposition de formes découpées, à la Casa de España, avait été taggée, et il en avait été ravi…

Mais son entretien avec Edda Maillet et Alexandre de la Salle à Pontoise, où il se rappelle à nous comme correspondant du journal « La Hora » à l’ONU apporte une bribe supplémentaire à son portrait, car il n’a vraiment cultivé aucune recherche de médiatisation, et son retrait narcissique a été respecté par ceux qui l’ont fréquenté, dont je fais partie : Carmelo était un être excessivement pudique.

Dans le clip présenté avec ce chapitre il dit d’ailleurs : « Picasso ne parlait pas, n’écrivait pas… », comme si cela signifiait : « … mon œuvre est là, cela suffit… », et ce n’est pas pour rien car c’est ce qu’il a fait lui-même, sauf à avoir rédigé des Manifestes début le début, et aussi des poèmes, comme, dans « Arturo » (1944), la revue fondatrice, le poème « Pegaso, comme hierba en el caos ».

Mais il aura fallu l’insistance salvatrice de Shelley Goodman (en fait Shelley Roitman, épouse de Volf Roitman) pour que Carmelo Arden Quin accepte de raconter, longuement, les événements de sa vie, et que cela puisse alimenter la biographie intitulée « When art jumped out of its cage ». Je la mentionne souvent car elle est une mine incontournable de renseignements sur la vie de Carmelo, les archives de Volf, artiste MADI, ayant fait merveille.

Carmelo cuisinier

Et aujourd’hui, alors que dans sa préface Edda Maillet dit d’Arden Quin lui a préparé un excellent déjeuner, qu’ils étaient nombreux autour d’une grande table, et que Carmelo racontait, qu’il raconte bien, qu’il connaît le monde entier, qu’il sait tout sur le marché de J’art, les peintres, les mouvements, ce qui se fait... etc. dans la fameuse biographie nous trouvons des photos d’Arden Quin cuisinant, d’Arden Quin servant à table, faisant des blagues avec Catherine Topall et Jean Branchet… ce qui est tout à fait sympathique.

AQ cuisinant chez lui (Photo Roger Neyrat)
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Arden Quin et Bolivar en 1997 (Archives MADI)
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Arden Quin dans sa cuisine avec Catherine Topall et Jean Branchet (Photo Roger Neyrat))
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Des nouvelles de MADI par Catherine Topall

Catherine Topall qui continue d’accueillir le mouvement MADI dans la galerie ouverte (avec son mari Alain), et qui s’appelle « Allersimple » (www.allersimple24.com), près de Paris, comme elle avait fait à Paris même dans sa galerie Orion. Sur son site elle nous donne des nouvelles de MADI :

Giancarlo Caporicci expose à la galerieGourvennec Ogor (Marseille) jusqu’au 24 juin
Gaël Bourmaud expose dans un nouvel espace consacré à l’abstraction géométrique : La Galerie Olivier Harlingue
Helen Vergouwen expose au Pays-Bas
Mitsouko Mori expose auCentre pour le constructivisùe et l’art concreten Belgique
Parizsi Kocka expose à Moscou grâce à la galerie Abigail de Budapest
Et Piergiorgio Zangara signale que deux œuvres MADI : « Sans titre » de Bolivar (1996) et « Flexion à gauche » d’André Stempfel (1996), de la Collection MADI du Musée de Gallarate, ont été mises dans l’exposition « Abitare minimo » du même musée.

A suivre...

Relisez la première partie de cette chronique.

Relisez la deuxième partie de cette chronique.

Relisez la troisième partie de cette chronique.

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