ROME : Michelangelo Merisi dit "Le Caravage"

Peu intéressé par les sujets religieux, mais les commandes étant pour la plupart à l’époque celles d’institutions ecclésiastiques ou de grands bourgeois aimant s’entourer de thèmes religieux, Le Caravage a extrait de la Bible les scènes les plus violentes : Judith zigouillant Holopherne, David exhibant la tête de Goliath, l’arrestation de Jésus, etc.

Articulant la lumière avec un espace découpé de diagonales puissantes, Caravaggio nous impose une présence puissante des corps, d’autant que la scénarisation de l’exposition nous plonge dans un noir profond d’où émergent des torses, des épaules et des visages humains qui nous observent, entrent en complicité avec nous ou nous défient.

Michelangelo Merisi né à Caravaggio, village près de Bergame en 1570 d’un père architecte, mort quand il était jeune.
A partir de 1584, il travaille pendant quatre ans dans l’atelier de Simon Peterzano, peintre maniériste milanais et en 1589, commence à peindre à son compte. Il retourne à Caravaggio puis part en 1592, à 21 ans pour Rome à l’atelier d’Arpino, peintre maniériste à succès qui exploite son talent pour faire des tableaux de fleurs et de fruits

Son soin pour l’étude des plantes, le velouté des fruits, les feuilles fanées, les corbeilles de fruits vont impressionner ses pairs. La « nature morte », chez les anglais appelée « still alive » toujours vivante, n’était pas habituelle et délaissée par les peintres. Un nouveau genre était né qui allait avoir le succès que l’on sait.
Ses influences : Raphaël et son luminisme sobre, Titien et Lotto pour leur sens de la nature, le clair-obscur, les lignes élégantes et les couleurs plutôt froides.
A Rome, il propose des scènes maniérisantes à sujets populistes, une chronique mondaine colorée poétique.
Identifié comme un prodige, il devient célèbre dans les milieux cultivés,
il trouve des protecteurs comme le Cardinal Del Monte et à partir de 1595, reçoit de nombreuses commandes publiques.

Mais sa fréquentation de quartiers interlopes, sa sexualité ambiguë vont entraîner son emprisonnement et la fuite de Rome à la suite d’une rixe où son modèle et amant a été tué.
En 1606, condamné par contumace, il doit fuir Rome.

Comme pour tous les peintres mais de façon plus évidente, les épisodes de sa vie ses expériences personnelles, sont reflétés ou représentés dans ses œuvres.

Ainsi, il a peint deux Dîners d’Emmaus assez semblables (mêmes personnages et composition), mais réalisés avant et après sa fuite de Rome.
Sur le premier, le Christ est détendu, bénissant la table bien mise : poulet, corbeille de fruits, pain, etc. Sur l’autre, la table est presque vide, le Christ semble soucieux et triste.

Dans son errance loin de Rome entre 1495 et 1504, il se sent persécuté, pense que ses jours sont comptés (il se représente en Goliath décapité).

La scène de l’arrestation du Christ est aussi influencée par sa propre arrestation.
Il vivra à Naples où il sera emprisonné et se suicidera à 37 ans avant de savoir que sa condamnation avait été levée et que l’autorisation de revenir à Rome avait été donnée.

Traduisant la tension poussée à l’extrême entre spiritualité et sensualité, les quelques soixante œuvres authentifiées permettent de découvrir la puissance de son style et la rupture importante qu’il a créée.
Renouvelant l’iconographie religieuse par un naturalisme violent et par son refus de l’héroïsation, Le Caravage propose une nouvelle interprétation du rapport entre l’homme et l’au-delà.
Oublié et délaissé pendant une longue période, son goût de la provocation et son côté rebelle, sa marginalité, son personnage de « bad boy » ont plu aux Romantiques qui l’ont quasiment mythifié.
Son fantastique tourmenté et sa vision de la vie populaire aura une influence évidente sur la peinture néerlandaise, sur Rembrandt, et en France sur Latour.